lundi 26 décembre 2016

Le grand secret

« Les peluches aussi connaissent le secret de l'être » m'écrivait il y a peu Catherine Ternaux, dont le blog Variations de la pesanteur émane un monde aussi discret qu'enjoué. 

Pour preuve, elle joignait à son mot simple et profond cette photo, où l'on voit un âne, de paille et de son, enseigner à son amie Soja la fameuse formule pour se laisser pousser les oreilles.
 
Qui ne sait plus s'arrêter devant une peluche – interpellé par sa présence parallèle – a peut-être depuis trop longtemps replié ses ailes. C'est bien dommage ! Et d'autant plus que d'éminents enseignements de la voie du Bouddha nous engagent diligemment, entre deux méditations, à devenir enfants de l'illusion.
 
Au fait, face à une peluche, où se niche-t-elle – l'illusion ?

Est-ce céder – le temps du rêve – à l'artifice du jouet ?

Ou bien (au prétexte d'être fait de chair et non de coton) de se croire exempt de fabrication ? En faut-il cependant des cisaillages et des ravaudages pour fabriquer une grande personne !
 
Et l'enfant né de cette illusion – où le chercher ?

Dans l'étonnement que la peluche ne fasse point suivre d'un quelconque mot ce que le surgissement de sa présence promettait de conversation ?

Dans l'heureuse surprise des anciennes choses dégradées en objets – reprenant soudain corps ?

Et dites – pourquoi se fige-t-on ainsi dans la cire de l'instant pour se mettre au diapason de leur éternelle contemplation ?
 
Vertiges de l'enfance devant le coffre ouvert des questions ! Et tendresse de ces vertiges que la sage immobilité des poupées nous inspire. Désarmantes peluches – pétrifiantes de bonté – accordez-nous la simplicité !

Aux enfants oubliés que nous sommes – veuillez vous offrir sous la forme de quelque effigie de laine à la proue de nos vies ! Vous nous apprendrez ainsi à nous tenir, devant la joie et devant la peur, comme des jouets qui savent tout accueillir.

Yves Dallavalle
Chapendu

jeudi 22 décembre 2016

Seul ou isolé ?

Shitao, Accroupi au bord de l’eau, 1690.
Un des cadeaux de la pratique de la méditation que je trouve particulièrement précieux est celui de mettre très au clair la différence entre l’isolement et la solitude. 

Quand nous nous sentons isolés nous ne sommes pas seulement coupés des autres et de tout ce qui nous entoure, la plupart du temps nous sommes aussi coupés de nous-même, de nos sensations.
Nous avons perdu tout contact en quelque sorte.

En revanche, la solitude va souvent de pair avec la plénitude. 


Sur le coussin, nous la découvrons réellement,  cette  solitude, nous l’éprouvons. En même temps nous nous apercevons que nous ne sommes pas isolés mais reliés en permanence - nous découvrons le mouvement incessant de la vie en nous, nos sens s’aiguisant apprennent à déceler le silence du silence … 


L’espace en nous et l’espace tout court s’amplifient et font de plus en plus un.

L’entraînement à la bienveillance nous rend sensibles aux liens d’une part, à notre provenance d’autre part.  

Dans la langue allemande le mot solitude, Einsamkeit, est plein de sens.

Il est constitué de « un », ein et du radical sam, apparenté à « ensemble » et qui indique le rassemblement.
Selon Heidegger c’est un rassemblement à la fine pointe de l’instant, là où le passé, le présent et l’avenir adviennent ensemble « dans la simplicité de cette unité qui est la leur et qui libère la possibilité même d’exister »
Heidegger nous aide à penser la solitude et surtout comment elle préserve la possibilité de la liberté.

D’un coeur capable d’embrasser l’infini,
Me voici immobile sur le rocher dressé.
Lune unique planant dans le bleu du ciel ;
Qui saura répondre à mon chant solitaire ?
Shitao


Elisabeth Larivière
Paris

mercredi 21 décembre 2016

On pense souvent que je suis calme. Je ne le suis pas.


Nombre de situations dans ma vie professionnelle ou quotidienne m’inquiètent. Quand j’étais adolescent il m’arrivait de penser toute une nuit à un problème de math. Il y avait dans mes pensées des sentiments mélangés : l’idée du  jeu, du défi, la volonté de gagner, d’être le meilleur,  la peur de perdre la face si je n’y arrivais pas.

Alors qu’est-ce qui a changé depuis que je pratique la méditation ? On pourrait penser que je parviens mieux maintenant à résoudre mes problèmes. Je ne le crois pas. Alors peut-être arrivé-je mieux à les éviter qu’avant ? Peut-être que je relativise plus facilement certaines situations et qu’elles ne m’affectent plus autant qu’avant, que je suis plus  zen ? Non plus ; les difficultés me tombent dessus souvent comme la pluie, je ne peux pas plus les éviter aujourd’hui qu’il y a des années. Au contraire je deviens par la méditation plus sensible. 
Alors quoi, qu’est-ce qui est différent ?
Je crois que je peux maintenant entrer un peu plus pleinement dans une situation, en faire l’épreuve en la voyant moins comme un problème à résoudre. Résoudre un problème c’est d’une certaine façon vouloir le supprimer, s’en débarrasser. Faire l’épreuve d’une situation demande au contraire un certain courage, cela demande d’y entrer complètement sans a priori, sans préjugé, sans même y appliquer l’étiquette « problème ».
Le problème c’est souvent au fond le mot « problème » lui-même. Dire « j’ai un problème » est plutôt réducteur et étroit, tant les situations réelles de la vie sont complexes, colorées et nuancées. On a souvent le nez collé à nos problèmes, on regarde la situation de trop près, on regarde sans voir. Il me semble que je peux aujourd’hui avoir une vision un petit peu plus large d’une situation qu’auparavant. 
J’ai fait il y a quelques jours cette expérience sur le coussin : j’étais assis, une situation conflictuelle est apparue et a envahi pendant un temps mes pensées. Alors que je revivais pour la énième fois cette situation, même si le  sujet de préoccupation était nouveau, cette fois-là une nuance s’est dessinée. Dans l’espace de la méditation ce que je considérais comme problématique s’inscrivait dans un cadre plus large. Il y avait quelque chose  avant la « pensée  problème » que je n’avais pas vu jusqu’alors. La situation conflictuelle m’apparaissait comme une sorte de champ de bataille limité et isolé dans un espace plus vaste. Le mot poème s’est insinué comme malicieusement dans mon esprit à la place du mot problème. Au lieu de faire tout un problème de la situation, c’était tout un poème qui apparaissait. Ce qui me manquait pour voir la situation plus complètement était cet espace poétique. 

Cet espace avait toujours été là, simplement je n’y avais pas prêté attention. 

Xavier Ripoche
Paris

lundi 19 décembre 2016

Un corps, un monde

Apprendre à méditer, c’est apprendre à se mettre à l’écoute du corps, de sa musique et de ses rythmes. 

Au début, le constat est souvent que nous n’y entendons rien ou, plutôt, que nous avons perdu la clé pour l’écouter. Cette clé est pourtant là, au plus intime de notre être : nos sensations

Elles nous font part de cette musique à chaque instant. Elles nous parlent de manière directe de notre expérience, ici et maintenant, et nous disent la vérité de notre être. Elles savent et, même si ce savoir est un savoir entièrement non-conceptuel auquel nous ne sommes plus habitués, nous pouvons lui faire entièrement confiance.

Quand nous parlons de notre lieu de vie, nous pensons directement à notre appartement, notre maison et parfois même notre voiture ai-je déjà entendu. 


Mais bien plus proche et immédiat, c’est notre corps qui est notre monde, notre habitat. 

Apprendre à méditer c’est avoir beaucoup de curiosité pour ce corps qui dit qui nous sommes, par sa tenue, par sa disposition. Notre être est un monde qui se manifeste par le corps. « Il est l’espace où nous sommes, où nous habitons », comme l’a dit Fabrice Midal lors d’un de ses enseignements sur le thème Reprendre Corps, visionné sur YouTube un mercredi soir. 

Quelle belle et vaste entente du corps qui appelle à l’exploration !

Marine Manouvrier
Bruxelles

mercredi 14 décembre 2016

Poulet ou jambon ?

Nous étions deux humains à nous poser la question, de part et d'autre du comptoir réfrigéré d'une aire d'autoroute, nous grattant la tête à la manière des primates confrontés à un  problème dépassant leur capacité d'investigation. Lui était en uniforme d'agent de restauration rapide, tandis que j'arborais une tenue d'automobiliste un peu frippée après une longue course sur l'A6. 

L'objet trônant dans la vitrine qui suscitait notre interrogation se trouvait être un sandwich, rescapé du passage d'un car de touristes chinois à l'heure du déjeuner.

De prime abord, compte-tenu de la pâleur des lamelles de viande, j'avais supputé qu'il s'agissait de poulet, mais un regard à la pile avoisinante de sandwichs au jambon avait bientôt instillé le doute : entre ses deux tranches de pain, le jambon avait exactement la même couleur et le même format que le poulet – un mince rectangle aux bords bien nets. Le sandwich que je lorgnais n'était-il point plutôt un specimen classé jambon échappé de la pile ? A la réflexion, ça aurait aussi bien pu être de l'emmental...

Je consultai le jeune homme préposé au service pour un avis autorisé. Il jeta un regard rapide à la chose et s'exclama d'un ton désabusé :
« Je leur ai déjà dit de ne pas mettre le poulet à côté du jambon... ».

Et nous en étions là, semblablement perplexes dans cette après-midi d'hiver, devant la banquette réfrigérée dont les leds fluorescents incitaient à la contemplation. Inspiré par ma récente lecture d'un commentaire de l'Abhidharma sur les 5 skandhas par Chögyam Trungpa (Regards sur l'Abhidharma), il ne m'en fallut pas davantage pour faire un parallèle entre ce sandwich putatif et l'individu générique auquel je m'identifiais.

N'étions-nous pas tous deux, dans nos filières de fabrication respectives, si bien usinés et conditionnés que nous ne nous distinguions en rien de nos contemporains ?

Et pourtant je me vivais, non seulement différent du reste du genre humain, mais qui plus est comme le centre et le point d'aboutissement – le nombril – de toute situation. Et cela à la suite d'un conglomérat de procédés aussi complexe qu'ingénieux – décrit à merveille dans l'étude des cinq skandhas (un des plus passionnants enseignements du Bouddha qui dissèque, depuis la méditation,
les différentes strates du processus de création du moi).

Dans la chaîne de production égotique, sensations, pensées, perceptions, émotions sont soumises à des manipulations dignes de l'industrie alimentaire. Chaque particule de notre être est pareillement hachée menue puis recomposée après avoir subi d'innombrables transformations visant à faire de l'ensemble un produit de grande consommation, avec, en succédanés de la fraîcheur d'origine, ses doses ad hoc d'émulsifiants, conservateurs, colorants, exhausteurs de goût, sucres et traces éventuelles d'arachides.

Mais le plus étrange n'est-il pas que, contrairement à ces malheureux animaux, nous soyons les propres instigateurs de notre dénaturation ? Autre différence notable : la date de péremption du moi se compte en micro-secondes. Aussi, tandis qu'on devient sandwich sans retour possible à sa situation antérieure, l'illusion du moi – cette séparation artificielle de l'homme d'avec son milieu – est constamment à refaire d'un instant sur l'autre. Ce qui, soit dit en passant, donne à un pratiquant autant d'opportunité de ne pas enclencher l'extrudeur– et de rester ainsi dans ce que l'on peut appeler l'état naturel de l'esprit.

J'avais donc bien conscience que ce parallèle entre l'homme et le sandwich avait ses limites.

Mais (simple naïveté peut-être de ma part) je restais persuadé qu'avant de se faire entreprendre par les machines, il y avait dû y avoir au départ de cette denrée quelque chose apparenté à une volaille ou un cochon. Exactement comme, avant d'être aspiré dans le hâchoir automatique des 5 skandhas, j'avais dû être un être humain à part entière, vivant librement dans les ors et les affres de ce monde.

La communauté de nos épreuves me fit considérer le malheureux sandwich d'une mine compatissante. 

Se méprenant sur mes intentions, le serveur, pour encourager mon choix, crut bon de s'exclamer avec une légitime pointe de fierté dans la voix :
« Quoiqu'il en soit, grâce à la traçabilité à laquelle sont systématiquement soumis nos produits frais, nous pouvons vous certifier que toutes nos viandes sont d'origine animale. »

Certes. Je fus songeur un moment encore. N'était-ce pas là le signe que j'attendais pour devenir végétarien ? Mais un coup d'oeil sur les salades du bac voisin me fit entrevoir que cela n'aurait fait que déplacer le problème.

Aussi, perché sur un tabouret face à la vitre fumée derrière laquelle vrombissait le trafic, préférai-je me fendre d'une dernière allégorie avant de regagner mon véhicule. Echoué sur cette aire d'autoroute, j'étais pareil à l'individu lambda coincé entre deux skandha : une sensation de faim (symbole de l'insatisfaction de l'être égaré dans l'impasse du moi) m'avait confronté avec quelque chose vendu comme de la viande – qui n'était autre que mon rapport à la réalité frelaté par les reconstitutions des skandhas précédents. Désormais trop loin de toute autre source de nourriture dans ce désert de bitume clôturé de barrières de sécurité, la logique égotique me poussait vers le skandha suivant : avaler tel quel cet ersatz de réalité – et, très provisoirement rassasié en tant que sujet maître du monde, reprendre le volant dans une fuite en avant qui m'éloignait toujours davantage d'une liberté qui m'entourait pourtant patiemment – attendant que je veuille bien cesser de me débiter en tranches.

Yves Dallavalle
Chapendu

lundi 12 décembre 2016

L’ego rend tout sérieux et important, alors que l’esprit rit de tout

Dans une de mes lectures, je suis tombée sur une citation qui m’a fait penser à la fraîcheur de la pratique de la méditation.
«  l’ego rend tout sérieux et important, alors que l’esprit rit de tout »*
Au fil des heures posées sur le coussin, nous apprenons à voir comment la logique du "moi-moi-même-et-encore-moi" solidifie la situation, les pensées, les émotions. 

Cette logique leur donne un poids et même une gravité, qui non seulement n’est absolument pas nécessaire mais qui de plus empêche tout rapport libre à cette situation étonnante, cette pensée saugrenue, cette émotion inattendue. 

Cette logique de l’ego, pour reprendre le terme de la citation, restreint terriblement notre expérience.
Si l’esprit rit de tout, c’est bien qu’il peut-être bondissant, ouvert, vigilant, posé … et, en tous cas, insaisissable. 

L'esprit a quelque chose de facétieux qui, lorsque nous nous y ouvrons, fait naître un sourire complice au creux de notre être.

Marine Manouvrier
Bruxelles
 
* "Les neuf leçon du guerrier maasaï" de Xavier Péron aux Editions Jouvence

samedi 10 décembre 2016

N'ayons plus peur


Jeudi dernier, l'École occidentale de méditation recevait Thupten Jinpa pour son unique intervention en France. 

Auteur d'une dizaine d'ouvrages dont le tout récent "N'ayons plus peur - Oser la compassion peut transformer nos vies" Thupten Jinpa est chercheur à l'institut de neurosciences de l'université de Stanford (aujourd'hui la plus réputée aux États-Unis devant Harvard) ; il est également l'interprète officiel du Dalaï Lama pour l'Amérique du Nord. 

Plus de 200 personnes étaient réunies pour écouter cet homme au parcours étonnant : élevé dans la tradition tibétaine et nommé très jeune responsable d'un monastère en Inde, Jinpa a quitté sa robe de moine à 38 ans pour fonder une famille et enseigner la méditation en Occident. 

Son livre retrace rapidement son parcours et explique en détail en quoi la compassion est, non pas un rêve inatteignable, mais un mouvement aussi naturel pour l'homme que celui de la colère ou de la jalousie ! La compassion est propre à l'humanité et il suffirait juste de lui laisser prendre sa place pour qu'elle devienne une force de transformation puissante et non violente.
L'objectif de son livre, écrit-il, est de 
"redéfinir la compassion pour montrer que nous pouvons tous la comprendre, et la repositionner dans nos vies et notre société comme une chose que nous voulons - et pas juste une chose que nous devons - mettre en application. J'espère ramener la compassion du rôle d'idéal à celui de force active dans la confusion de la vie quotidienne."
et encore
"Ne pourrait-on pas imaginer que la compassion ne soit plus un secret du bonheur, mais une valeur reconnue, un principe organisateur de la société et une force motrice du changement ?"

Pour reconnaître et développer cette compassion native, Tunpten Jinpa propose de nombreux exercices et des pratiques dédiées qui ont donné naissance à un cursus enseigné avec succès à Stanford.
"Notre but n'est pas simplement de nous intéresser à la compassion comme à une valeur humaine essentielle ou d'accroître notre empathie envers les autres. Il s'agit plutôt de proposer une pratique systématique destinée à en faire le principe fondamental régissant tous les aspects de notre existence, depuis la façon dont nous nous voyons nous-même et interagissons avec autrui jusqu'à l'éducation de nos enfants et notre engagement dans le monde." 
Autre atout remarquable de l'approche de Tupten Jinpa, c'est qu'il nous montre précisément qu'apprendre à ouvrir peu à peu notre cœur fait grandir notre courage. "Partout les gens qui avant m'étaient étrangers, sont devenus réels pour moi" témoigne l'un de ses étudiants.

Cette invitation à oser la compassion est plus que jamais d'une brûlante actualité.

Merci à notre amie Anne Fischler pour le remarquable travail de traduction qu'elle a mené en direct pour permettre à toutes et à tous de ne pas perdre "une miette" de cette passionnante conférence !

Marie-Laurence Cattoire
Paris

mercredi 7 décembre 2016

Se regarder le nombril

Quand, au cours d'une discussion, je dis à mes amis que je médite, il arrive parfois que certains me répondent : « ah bon... tu as le temps de te regarder le nombril ?... ». 

Voilà bien une idée fausse - et très répandue - sur la méditation, celle qu’il s’agirait d’un exercice d’introspection.

La méditation n’invite pas à se centrer sur soi-même, mais plutôt à retrouver son centre. 

La posture de méditation dans son entièreté nous dit comment retrouver un axe, un centre à partir duquel notre intelligence, notre singularité, notre bonté, notre beauté peuvent se déployer. 

Elle nous invite à nous ouvrir, par la délicatesse et la vivacité des perceptions sensorielles, au lieu de nous replier en décortiquant nos ressentis.

Il ne s’agit pas de trouver qui nous sommes en cherchant à l’intérieur de nous de manière analytique ou psychologique, mais de nous ouvrir, avec détente et attention, à notre manière d’être au monde, à notre manière de faire, puis à notre vérité propre.

En illustration, l’Escargot en papier découpé de Matisse, photographié à la Tate Modern de Londres.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

mardi 6 décembre 2016

La dimension bienveillante de la Pleine présence

« Dans la pratique de la Pleine présence, nous laissons être ce qui nous concerne. Si une douleur est là, lancinante, plutôt que d’essayer de s’en débarrasser, le geste est de la laisser prendre sa place. 
Pas toute la place, mais sa place, dans l’ensemble de la situation, sans nous couper de toutes nos sensations, des autres et du monde »

 


Un petit extrait de l’enseignement 
« la dimension bienveillante de la Pleine présence » donné par Clarisse Gardet à Bruxelles dimanche 4 décembre dernier

vendredi 2 décembre 2016

Un peu moins de soi, un peu plus de grandeur

Rythme et danse, édité par l'Institut Hongrois de Paris.
Deux citations de Fabrice Midal ont retenu mon attention car, bien qu’issues de deux livres différents, elles se répondent avec une belle harmonie :
  « La méditation invite à un mouvement qui pourrait se résumer ainsi : un peu moins de soi-même et un peu plus de grandeur* ! » 

« L’amour émerge à mesure que s’estompe le souci de soi-même. »

C’est une expérience que je fais souvent : quand je suis trop préoccupée par moi-même, j’étouffe, je vois la vie en gris, je perds de vue l’espace autour de moi et… J’oublie d’aimer ! 

Pour laisser l’amour se déployer, de manière simple et juste, il peut suffire parfois de laisser sa place au monde, au lieu de chercher frénétiquement sa propre place. 

Il peut suffire d’écouter la musique du monde au lieu de vouloir le remplir de nos bavardages. 

Se ficher la paix quelques instants au lieu de tout prendre au sérieux, se mettre légèrement en retrait, faire silence pour mieux voir peut suffire pour retrouver le chemin de notre cœur et laisser l’amour chanter. 

Et pour cela la méditation est une voie royale.

Marie-Laurence Cattoire
Paris


Ressources : 
* référence à une célèbre phrase de Marina Tsétaeva
Pratique de la méditation – Livre de Poche
Petite philosophie des mandalas – Seuil

jeudi 1 décembre 2016

Une tasse de thé

Boire une tasse de thé peut être un moment très privilégié si nous savons y prendre soin.

Il y a le temps de la préparation. Nous choisissons un thé particulier en fonction de la situation, selon que nous le buvons seul ou accompagné, selon le moment de la journée ou le temps qu’il fait dehors, ou encore en fonction de notre état d’esprit. C’est l’occasion de prendre un peu de temps pour essayer de percevoir la tonalité du moment dans lequel nous nous trouvons et de nous y accorder. Si nous le pouvons, nous choisissons aussi une belle théière et de jolies tasses, qui embelliront l’ensemble et contribueront à rendre ce moment plus précieux. Nous faisons chauffer l’eau, en prenant garde qu’elle soit à la bonne température. Nous laissons le thé s’infuser et sommes attentifs à ce qu’il déploie complètement ses arômes sans devenir trop saturé ou trop amer.

Le thé est prêt, nous pouvons le servir. Nous avons choisi un endroit calme et chaleureux où le prendre, et nous nous sommes assurés que nous n’y serons pas dérangés. Nous versons le thé dans la tasse. C’est le moment crucial où tout bascule. On entend le bruit de l’eau qui coule délicatement. La tasse se remplit et tout l’espace autour d’elle s’en trouve modifié. Un nuage de vapeur se développe, monte vers le ciel et s’évanouit dans l’air. Dans le même temps, le parfum du thé vient se répandre délicatement jusqu’à nous. L’atmosphère a changé : le thé a déjà opéré sa magie. Il a teinté l’espace. Il a ouvert un nouvel horizon.

Si nous étions seul, nous ne le sommes plus vraiment. Par l’espace qu’il a ouvert, le thé nous a reliés au reste du monde, et nous invite tendrement à lui dire bonjour. Si nous avons la chance de partager le thé à plusieurs, certainement que les liens qui nous unissent se sont trouvés renforcés au moment où le thé a été versé. Nous pouvons alors apprécier simplement la compagnie de nos amis avec confiance et douceur.

Depuis que je pratique la méditation, je découvre la joie de bonheurs simples comme celui de boire une tasse de thé. J’aime les explorer toujours plus avant et découvrir à quel point ils sont pleins de délicatesse et d’infinies subtilités. 

Ils n’auront jamais fini de m’émerveiller.

Illustration : Jean Siméon Chardin, Dame prenant son thé, vers 1740-1750, Glasgow, The Hunterian Museum and Art Gallery.


Benjamin Couchot
Paris