mercredi 31 août 2016

L'espoir de s'évader de la souffrance

Chögyam Trungpa
Combien de temps passons nous à nous dire « si j’étais comme ceci ou si j’avais cela, je serais heureuse, si j’étais à tel endroit, dans telle condition je souffrirais moins… » Les « si » sont innombrables. 

Nous savons que ce n’est pas vrai mais malgré ce « savoir » une petite voix persiste, elle veut nous donner l’espoir qu’on peut s’évader de la souffrance

En 1973, aux Etats-Unis, à la question d’un étudiant pensant que la souffrance était aujourd’hui bien moindre qu’au temps du Bouddha, Chögyam Trungpa répondit : “ Nous ne parlons pas tant de la douleur physique que de cette chose en nous qui crée la souffrance, qui est la souffrance. C’est un phénomène universel, toujours contemporain. Aucune technologie ne produira le bonheur. Tandis que nous tenterons de produire du bonheur au moyen de la technologie, cette chose nous harcèlera sans trêve. Aussi le bouddhisme est-il complètement actuel... Il en va de même lorsque nous disons à un enfant :  ‘ Les brûleurs de la cuisine sont d’une belle couleur rouge-orangé, mais si tu mets le doigt dessus, tu vas te brûler.’  Le bouddhisme est aussi simple que ça. ”

Généralement, c’est l’expérience de la souffrance qui nous amène à participer à un séminaire, à un stage, à écouter des enseignements. 

Ce sont des occasions formidables de voir la situation de plus près, c’est stimulant, c’est soulageant.

Et pourtant les enseignements ne nous donnent aucunement l'espoir de changer... Seulement ils nous offrent l’intelligence d'entrer en relation avec la souffrance.

Tout change alors.

Elisabeth Larivière
Paris

lundi 29 août 2016

Savoir Attendre

François Roustang, source +Wikipedia 
Amateur de psychologie depuis ma formation à l’école d’éducateur spécialisée, j’ai appris à relativiser certaines de ses catégories depuis que je pratique la méditation et que j’étudie ses enseignements.  

Pourtant j’ai redécouvert la puissance de cette discipline à la lecture des ouvrages de François Roustang. Ce philosophe et psychanalyste s’est peu à peu consacré à l’hypnothérapie. 

A travers ses expérimentations auprès des patients qu’il accompagnait, il a montré comment le corps et l’esprit n’étaient pas séparables : « il n’y pas d’âmes sans corps et pas de corps sans rapport à l’espace et à l’environnement. Le corps humain est la meilleure image de l’âme humaine. C’est Wittgenstein qui dit cela. C’est du corps qu’il faut s’occuper, pas du corps vu par la médecine scientifique, mais du corps qui parle, qui se meut, qui s’émeut. » 

Il également montré qu’être authentiquement à l’écoute de l’autre, c’est avant tout, « savoir attendre » : « il s’agit d’une attente sans contenu. On n’attend rien, on attend tout simplement. On devient attente (…) L’attente dont je parle est faite pour créer un état de disponibilité, pour nous mettre en état de souplesse à l’égard des choses, des personnes ou des évènements » 
 
Cet état de disponibilité semble étonnement se rapprocher de l’état de grande présence cultivée en pratiquant la méditation.
Je ne peux donc que vous conseiller de lire les ouvrages de François Roustang et découvrir l’ampleur de ses enseignements. 

Mathieu Brégegère
Paris

vendredi 26 août 2016

Ces micro-moments de bienveillance...

Durant la dernière retraite d’été, Fabrice Midal a transmis plusieurs pratiques de bienveillance aimante.

Depuis mon retour à la maison, je pratique l’une ou l’autre de ces méditations une fois par jour…

Je remarque que quelque chose dans ma manière de les aborder a changé.

Une des pratiques consiste à évoquer un moment où l’on a senti de la bienveillance aimante.   Avant cet été, je choisissais un moment où j’étais « sûr » d’avoir touché quelque chose de grand, de fort, de vrai...

Aujourd’hui, je découvre que la vérité de l’amour ne se trouve pas seulement dans ces grands moments où l’on a senti des émotions fortes. Je fais l’expérience que la bienveillance est aussi une expérience d’une très grande simplicité.

Dans la pratique je me demande : Qu’est-ce qui, dans ma journée, m’a fait toucher un sens de bienveillance ?

Les mots entendus cet été me reviennent... Non pas chercher quelque chose de transcendant, un moment où l’on a entendu les violons jouer... Mais simplement laisser venir un moment tout simple, d’une telle simplicité que sans cette pratique il serait passé presque inaperçu...


Je prends le temps de laisser venir ce qui vient...
Je repense à ma journée, à ce que j’ai fait ce matin, à ce qui s’est passé...
Je fais confiance à mon cœur et à son savoir...
Tout à coup, me reviennent en mémoire plusieurs micro-moments de bienveillance qui ont parsemé le cours de ma journée sans même que je m’en aperçoive :
- Ma fiancée au réveil qui me dit avoir des crampes au ventre.
- Ma voisine qui me dit sa joie de se marier aujourd’hui-même et sa peur de lire ses vœux devant tous les invités.
- Mon chat, étendu de tout son long dans le jardin, mis K-O par la chaleur suffocante de ce mois d’août tropical.

Alors je m’y arrête... Je prends chacun de ces moments séparément l’un après l’autre. Je les laisse résonner...
J’ai tout mon temps...
J’écoute ce qu’ils ont à me dire...
Je sens comme des ondes qui se diffusent tout doucement, un peu comme les ondes que fait un petit caillou qui tomberait dans l’eau claire d’un lac...
Je fais l’expérience que mon cœur, sans même que je m’en sois rendu compte, était ouvert, touché par ces instants, ces rencontres...
En me remémorant ces moments, mon cœur se détend, je sens qu’il est vivant, joyeux, bon, qu’il souhaite naturellement aux autres le meilleur...
Mon cœur s’ouvre en cercles, comme ces cercles vus sur l’eau du lac, qui se répandent, de plus en plus larges, de plus en plus grands...
Ces moments tout simples, qui ont parsemé une journée “ordinaire”, apparaissent d’une profondeur insoupçonnée et dans le même temps, d’une légèreté réjouissante...
Je reste alors quelques minutes dans cette atmosphère douce et bienfaisante.

Il n’y a pas à dire, la bienveillance est un cadeau !


Guillaume Vianin

Neuchâtel

jeudi 25 août 2016

Le jour où j'ai médité vite!

C'était dans la montagne en juillet dernier. Nous campions depuis trois jours sur un large entablement rocheux au beau milieu des bois. Après avoir rangé toutes nos affaires dans nos deux sacs et effacé les traces de notre passage, nous avions décidé de faire une dernière méditation avant de regagner la vallée. Depuis une semaine nous mangions du riz blanc, et il m'était venu dans l'après-midi une furieuse envie de crevettes.
 
Pendant les préparatifs de notre départ, je m'étais livré à une estimation du trajet nous séparant du premier supermarché. Il faudrait d'abord couper de biais à travers la sapinière pour retrouver la voiture qui nous ferait dévaler les lacets conduisant à la départementale longeant la rivière. De là resterait une vingtaine de kilomètres à couvrir et trois villages à traverser avant d'atteindre la première ville flanquée d'un temple de la consommation digne de ce nom – dont je croyais déjà distinguer l'autel et son lit de glace sur lequel de tendres crevettes roses et grises agiteraient vers nous leurs petites pattes givrées. L'après-midi était avancé mais nous devions avoir le temps d'y être avant la fermeture, si aucun grumier ne venait mettre son chargement de bois entre nous et les crustacées.    
 
Nous pouvions même nous payer le luxe de cette dernière séance de pratique. Aussi nous retrouvâmes-nous bientôt assis sur nos sacs à méditer. La position de surplomb où nous mettait le rocher faisait de nous des aigles dont la vue portait loin en contrebas dans la pente entre les fûts de sapins et de hêtres. Je trouvai facilement mon corps dans cette paix que nous habitions ces jours. Même les moustiques semblaient moins virulents. Certes l'attention portait faiblement sur le souffle, mais en extérieur la distribution de l'attention est toujours un peu chahutée par les constantes et chamarées sollicitations des sens. Je comptais sur l'ancrage progressif que donne le poids du corps se déposant tout au long de la séance pour qu'il m'aide bientôt à prolonger le lien avec la respiration. De temps à autre des pensées de crevettes surgissaient dans le miroir de l'esprit. Je les saluais fort diplomatiquement, comme autant d'ambassadrices du festin de mer qui nous attendait.
 
Mais une inquiétude ne tarda pas à s'insinuer dans le tableau. Je n'étais plus si sûr de mon estimation du trajet. Ça se jouait en fait à quelques minutes, il se pourrait que nous arrivions devant les portes du temple juste lorsque le vigile les fermerait. Vision difficilement supportable après notre cure de riz blanc. Mon regard perdit en profondeur, mes épaules remontèrent – extirpant le poids de mes mains, désormais à peine en contact avec la toile de mon pantalon. Alors se produisit une chose curieuse : je me surpris à tâcher de méditer vite pour gagner du temps sur le trajet à venir. Je respirais à une cadence accrue comme si cela avait le pouvoir d'accélérer la montre. Je coupais à la racine toute velléité de pensée – alors même qu'elles se mettaient à grouiller autour du supermarché. Je faisais tout ce qu'il y à faire mais le plus rapidement possible, comme si cela avait eu le pouvoir de raccourcir la séance de pratique et déclencher plus Je trouvais moins une brèche au bout de l'expire accompagnée au pas de charge, qu'une sorte de mine qui faisait exploser l'espace et tout ce qui s'y trouvait. La forêt avait disparu, les crevettes aussi d'ailleurs, seul comptait le temps à gagner sur le gong.
 
C'est subitement que je pris acte de l'absurdité de ma démarche. J'eus d'abord envie de rire mais n'en eus pas le temps – car je fus soudainement libéré de l'affairement et comme suspendu dans un loisir grandiose encore accentué par contraste avec l'instant précédant.
 
Je venais de faire une découverte majeure après deux décennies de pratique : pendant la méditation j'avais tout mon temps. Que j'aie à courir ensuite après des crevettes ne changeait rien à ce miracle : tant que la sonnerie ne retentirait pas, je jouissais d'un présent et d'un lieu libres de toute vitesse. Qu'il s'y produise des accélérations ou des ralentissements ne dépendait pas du chronomètre. Entre le gong du départ et celui de la fin – j'étais à jamais libre de tout devoir, je disposais d'une éternité où rien de ce qui se passait n'était manipulable par la performance, que les vigiles de supermarché ne verrouilleraient jamais.

Yves Dallavalle
Chapendu

mardi 23 août 2016

Viens, assieds-toi !

Il est des moments troublés dans la vie où l’on tourne autour de son coussin de méditation, il nous fait de l’œil, nous dit "viens, assieds-toi !" et pourtant quelque chose résiste.

Un jour passe et puis deux et trois.


Il y a toujours mille bonnes raisons de ne pas y aller. Trop occupés, trop fatigués, trop, trop, trop…

Ou, parfois, la confusion des jours semble simplement plus confortable.


Et pourtant...


S’asseoir, c’est s’astreindre au « reality check », avec courage.
Et puis, une fois posé, quelque chose d’un soulagement diffus se fait sentir.

L’astreinte se transforme alors en un geste de profonde bienveillance pour l’être que nous sommes, tel qu’il est, avec ses envolées et ses failles.

Il existe un lieu où rien d’autre n’est demandé que respirer et être là.

Et c’est bon.


Marine Manouvrier
Bruxelles

vendredi 19 août 2016

La maman oiseau

Source image +RadioSCOOP 
Longtemps je me suis trouvée gênée de vouloir que mes enfants s'autonomisent, aient leur propre voie, leur capacité à discerner, à penser, sachent faire le ménage ou la cuisine...
Il me semblait que c'était important et, dans le même temps, je pensais que ce n'était pas si bien, qu'il fallait que je sois "toujours là pour eux", disponible, aimante, assistante, dévouée, présente... 

Et puis, cet été Fabrice Midal a donné un enseignement sur la bienveillance aimante, et il a précisé que dans le bouddhisme tibétain l'image traditionnelle de cette bienveillance était celle de la maman oiseau qui nourrit ses petits mais aussi leur apprend à voler et à quitter le nid quand il est temps ! 
Cette maman oiseau a le souci de favoriser l’autre en ce qu’il est, telle est la bienveillance. 

C’est une attitude que l’on peut avoir pour un être mais également pour une situation. Apprendre à regarder la frustration avec douceur pour donner de l’espace et faire que la frustration s’apaise. Devenir ami avec les choses, les situations, les émotions comme le trouble, la paresse, la colère, la frustration… Y compris avec ce qui nous énerve le plus (et souvent nos enfants nous énervent !). 

Cet enseignement m'a tellement soulagée ! 
Ainsi ce n'est pas malsain de vouloir - quand le temps est venu - que nos enfants quittent le foyer, trouvent leur propre voie et soient moins attachés à nous... 
C'est plutôt un mouvement naturel, un mouvement de bienveillance, qui sait que nul n'est éternel et que chacun doit suivre sa propre voie, enfant comme parent...

Avis à tous les parents à quelques jours de la rentrée des classes ;)

Marie-Laurence Cattoire
Paris