dimanche 30 juillet 2017

Devenir vague, arbre, nuage

A la plage après une journée de chaleur. Il y a de belles vagues qui roulent et  font perdre pied. Comme quand j’étais enfant, je m’amuse à rouler dans les vagues, à me laisser transporter, chahuter. 

J’ai dix ans, je saute et je me lance joyeusement la tête la première dans les vagues, encore et encore, jusqu’à l’étourdissement, jusqu’à ce que le froid me ramène au soleil sur la plage. Sauter dans les vagues me rend joyeuse et vivante parce que tout mon corps et toute mon attention sont mobilisés, il n’y a pas la moindre parcelle de moi-même qui ne participe pas à la fête.  Instant de pure union entre le corps et l’esprit. 

Quand on pratique, le corps se pose, et par moment on se pose dedans. On est corps qui respire, et qui, immobile, perçoit les vagues de la réalité qui viennent affleurer ou bousculer. La joie ressentie, c’est celle, profonde, d’être immergé dans la vie du présent, de participer de ce présent.  

Pratiquer, c’est peut-être retrouver pour un moment un corps d’enfance, un corps qui n’est pas encore séparé, un corps qui peut être vague, arbre ou nuage.
 
Ce petit poème de Rilke, tiré de Vergers, m’évoque cette expérience du corps si mêlé à l’esprit que les frontières s’effacent et que le monde devient un.

Qu’il est doux parfois d’être de ton avis,
frère aîné, ô mon corps,
qu’il est doux d’être fort
de ta force,
de te sentir feuille, tige, écorce
et tout ce que tu peux devenir encore,
toi, si près de l’esprit.

Toi, si franc, si uni
dans ta joie manifeste
d’être cet arbre de gestes
qui, un instant, ralentit
les allures célestes
pour y placer sa vie. 

Dominique Sauthier
Genève

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