jeudi 9 février 2017

Ne pas chercher à convaincre

Depuis que j’ai découvert la pratique de la méditation m’est souvent venue l’envie de la partager avec d’autres personnes. J’ai parfois même brûlé de dire à quel point elle peut tout changer dans la vie et nous rendre vraiment libres.
Autour de moi je vois des personnes angoissées ou déprimées, alors je me dis que la pratique de la méditation pourrait peut-être les aider à vivre. Particulièrement quand il s’agit de personnes proches je pense à leur suggérer l’idée de s’asseoir sur un coussin. Pourtant les quelques fois où j’ai franchi le pas, ou j’ai proposé l’expérience, j’ai eu peu de succès. Quelques séances de pratique sont restées sans suite avec certains, d’autres propositions ont été accueillies par une sorte d’indifférence polie ou par une incompréhension, voire une réprobation.
Je vois aujourd’hui un peu mieux ce qui se passe. Je pense que le désir de faire connaître la méditation est légitime mais que parfois il y a quelque chose d’un peu trouble ; il me semble que je cherche parfois plus à convaincre qu’à suggérer et que je ne suis finalement pas très loin du prosélytisme.
Il y a quelques mois lors d’une soirée du mercredi où Fabrice Midal présentait la médiation, une personne dans l’assemblée qui venait pour la première fois lui a demandé ce qu’il pourrait lui dire pour la convaincre de revenir. Fabrice a répondu qu’il ne cherchait pas à convaincre. Il se contentait de présenter la pratique. Libre à chacun de voir si cela lui parlait ou pas et de revenir ou pas. Cette réponse m’a déconcerté et ouvert les yeux en même temps. Je me suis rendu compte que si on m’avait posé cette question, sans doute aurais-je cherché des arguments pour que la personne revienne.
Entre suggérer l’idée de la méditation et vouloir convaincre, la frontière est parfois ténue. Nos désirs de faire découvrir à d’autres la méditation peuvent ne pas être tout à fait clairs. Dans mon cas il s’agit d’un vrai travail que de démêler les raisons qui font que je suis parfois tenté de faire cette suggestion.
Par exemple si j’ai le désir d’être mieux compris des personnes de mon entourage, plus aimé, moins seul, cela ne marche pas. La méditation peut nous permettre d’être de mieux comprendre les autres, d’être plus aimant, plus en lien avec eux, de nous sentir moins isolés. Il ne s’agit pour autant pas d’éviter la solitude mais au contraire de l’apprivoiser, de s’en faire une amie.
La meilleure chose qu’on puisse faire je pense c’est d’incarner la méditation en assumant une certaine solitude plutôt que de chercher à créer un quelconque effet auprès des autres. Peut-être qu’alors c’est la méditation qui parlera d’elle-même à travers nous.
Au fond, vouloir convaincre est le signe d’un manque de confiance dans la pratique. On cherche à se rassurer dans le regard des autres au lieu de s’abandonner à l’expérience nue. La transmission de l’expérience méditative ne peut avoir lieu qu’en dehors du champ de notre volonté, même si cela n’exclue pas le désir profond de la transmettre.

Xavier Ripoche
Paris

16 commentaires:

  1. Très intéressante réflexion, à méditer même si je pense qu'on peut désirer soulager les souffrances de proches en les invitant à pratiquer, mais c'est un peu vouloir décider à leur place, ne pas respecter le "là où ils en sont", et la façon dont ils peuvent ou désirent aborder leurs propres difficultés. C'est aussi un manque de confiance en eux et leurs capacités à trouver leurs propres solutions.

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  2. C'est vrai Catherine. C'est aussi une question de tact pour savoir jusqu'où on peut aller avec nos proches.

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  3. La tentation de "convaincre" est grande parfois tellement nous constatons les bienfaits de la pratique sur nous-même... et on voudrait tellement pouvoir aider les autres... mais finalement je pense que tout passe par la façon dont la pratique s'incarne en nous.
    Un grand merci pour cette réflexion très pertinente.

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  4. En ce qui me concerne, je parle peu de mon expérience ; si je parle à quelqu'un qui n'est pas pratiquant, j'ai l'impression d'être toujours en deçà ou à côté ; je crois que c'est avant tout une expérience intime, personnelle liée à ce que nous sommes. .

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  5. En ce qui me concerne, je parle peu de mon expérience ; si je parle à quelqu'un qui n'est pas pratiquant, j'ai l'impression d'être toujours en deçà ou à côté ; je crois que c'est avant tout une expérience intime, personnelle liée à ce que nous sommes. .

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  6. "Convaincre" est une idée qui peut sembler assez étrangère au bouddhisme. En tout cas, dans la perspective de s'asseoir et de pratiquer. On peut sentir comme une idée de séduction et de mensonge. (Je crois profondément que s'asseoir et pratiquer est le moyen le plus rapide et le plus sûr d'aider quelqu'un quel qu'il soit, d'aider notre environnement.)

    D'autre part, convaincre de ne pas commettre le mal outre mesure. Convaincre de bonne foi. Alors évidemment oui.

    L'essentiel étant toujours dans l'intention!

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    1. Oui Pascal je crois aussi que convaincre est une idée étrangère au Bouddhisme.

      Je pense pour ma part également dangereux de convaincre de ne pas commettre le mal. Je crois que beaucoup de conflits dans le monde viennent de personnes qui cherchent à convaincre de bonne foi car elles sont elles-mêmes convaincues de ce qui est bien ou mal. Il y a dans convaincre le mot vaincre qui fait partie du vocabulaire guerrier.

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  7. "Au fond, vouloir convaincre est le signe d’un manque de confiance dans la pratique. On cherche à se rassurer dans le regard des autres au lieu de s’abandonner à l’expérience nue. " je ne dirais pas cela c'est trop dur. Je crois que vouloir convaincre de pratiquer la meditation est un geste d'amour et que, comme tel, il se heurte à la différence de l'autre et à l'inatteignable fusion des cœurs et des esprits.

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    1. Je pense que vous avez raison. A la base, essayer de convaincre quelqu'un de quelque chose de bien procède sûrement d'un élan d'amour. Et je pense que les premiers tenants des religions ont dû enseigner dans cet esprit. Mais les egos ont dû finir par se froisser d'être souvent repoussés, ce qui a fait le lit du prosélytisme puis de l'intolérance pure et simple. C'est pourquoi je serais assez d'accord aussi avec Xavier.

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    2. Je comprends. Je voulais simplement dire qu'il n'y a peut être pas à se reprocher d'avoir voulu convaincre, en y voyant le signe d'un "manque de confiance dans la pratique". Mais simplement à accueillir la déception qui suit l'élan qui ne recoit pas la réponse d'un partage espéré. En l'accueillant, le sentiment de solitude peut devenir moins douloureux et se transformer en une bonne compagne.

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    3. Anne Marion, merci de votre commentaire. Je n'ai pas parlé de reproche mais plutôt de voir ce qui est le plus juste. Dans mon expérience, la justesse aurait été dans certains cas de m'abstenir de chercher à convaincre et j'ai pu voir que si j'avais eu plus confiance dans la pratique je n'aurais pas eu besoin de le faire. Cela fait partie de ce qu'on peut parfois observer qui est vrai pour soi, sans que ce soit une généralité. Prendre confiance dans la pratique prend du temps.

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    4. Merci Xavier pour votre réponse éclairante. En relisant votre post et les commentaires, j'associe ces idées à celle développée par Dominique au dernier séminaire : pratiquer c'est toucher au secret spirituel. L'expérience de la meditation est un secret. Un trésor qu'il faut conserver. Une expérience unique et personnelle. Vouloir la partager c'est risquer de l'abîmer.

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  8. bonjour à tous et merci pour ce partage.Pour ma part je vis la "méditation" comme une pause, une observation, un laisser aller...etc. partager cela autour de moi avec une grande joie eu souvent un retour d'incompréhension; j'ai su tomber dans une forme d'"incompris" mais je me réfère surtout au niveau de chacun de "niveau" de compréhension de l'écoute de soi....j'ai su leur envouloir mais ce n'était qu'à moi-même car je voulais être compris...depuis je reste tranquille en moi et je ressens la "méditation" comme une écoute de mon être...cela a pour effet de me "soulager" des pressions moins présente de mon égo...et au final le sourire qui émane de moi parvient à être ressenti autour de moi...le chemin est plus important que le but...Mikaël...

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  9. convaincre l'autre, c'est vouloir se convaincre soi m'aime...

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