lundi 31 octobre 2016

Où que j'aille, c'est moi que je rencontre !

Plus on pratique, plus il est difficile de faire abstraction de soi, de faire semblant de ne pas se connaître ! 

Tant que nous sommes sans cesse occupés par le travail, les distractions, le bruit, nous pouvons oublier qui nous sommes, et même que nous sommes. 

Mais les moments de silence nous remettent face à nous-même et alors, il faut bien commencer à se regarder… à faire connaissance avec soi-même… avec ce que nous avons d'unique et avec ce qui nous rapproche tant des autres aussi… 

Cette rencontre avec soi est ainsi décrite par Hadrien France-Lanord dans son livre S’ouvrir en l’amitié (Éditions du Grand Est) : 

« La solitude est ce rassemblement sur ce que chacun a de plus unique. Grâce à lui, je peux aller vers une vraie rencontre avec autrui. Sans ce rassemblement, on est dans un rapport où personne n’est soi – où personne n’est jamais personne. » 

Passer de l'étranger au familier, pour éviter que personne ne soit jamais personne, voilà un des précieux fruits de la pratique de la méditation.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

vendredi 28 octobre 2016

L'amour à découvert

Sarasvati, 15e siècle, Tibet.
Pour qui a envie d’apprendre à aimer il existe un petit livre de poche rose, d’apparence modeste.
Il contient des joyaux … le titre est « L’amour à découvert » et l’auteur en est Fabrice Midal.

A l’âge de trente ans j’ai été jeune mariée.  Mon livre de chevet était celui d’Arnaud Desjardins, «Pour une vie réussie, un amour réussi» Je voulais réussir ma vie, y compris ma vie de couple.
J’avais une idée précise… mais l’amour prend souvent des tournures imprévues.

Comment faire pour apprendre à aimer ?

Le chapitre 8 du petit livre rose nous donne le secret :
Il y a trois points. 

Le premier, se décentrer
« La vérité de l’amour est d’être l’épreuve décentrée d’une ouverture radieuse.
» 
Et uniquement cela.
L’amour est l’aspiration que l’être que j’aime soit heureux.
Mais cette aspiration, il y a besoin de la faire naître et de la soutenir, jour après jour. 
 
Le deuxième, c’est chanter l’aspiration du cœur noble
Chanter extirpe les peurs, donne du courage - chanter met le cœur en joie …. et nous chantons pour chasser les poussières qui se déposent sur point tendre de notre cœur .
Notre cœur qui, nativement, a l’aspiration que tous les êtres soient heureux.
« A chaque moment du jour et de la nuit, devant chaque être que tu rencontres, touche en ton cœur cette aspiration à ce qu’il soit heureux et tu trancheras le souci égocentrique et étroit qui rend ta vie si grise »

Le troisième, l’amour ne se contrôle pas, il se donne
Et cela nous fait peur.
L’amour nous fait peur.
D’autre part nous avons généralement du mal avec le fait que l’amour n’est pas le résultat de nos efforts et qu’il n’est pas l’effet de nos mérites.
Sa venue échappe à tout contrôle. 
Être aimé est une pure grâce.
Le travail à faire, le dur travail, est d’apprendre à le laisser advenir.

Elisabeth Larivière
Paris 

Elisabeth transmet la pratique de la Bienveillance certains jeudis soirs à Paris.

mercredi 26 octobre 2016

Tribulations d’un coussin

@Assises de méditation Made in France.
Lorsque j’ai découvert la méditation il y a 15 ans, nous pratiquions sur des coussins ronds et assez plats. Ils induisaient une assise très ancrée, avec les genoux posés sur terre. Ce qui m’a marqué tout de suite, c’était le sol qu’il m’offrait. Enfin un lieu pour ne rien faire, respirer, poser là tout mon être. Je me suis rapidement procuré un joli coussin tout blanc tout rond. Il était petit et cela m’arrangeait. Je pouvais le glisser sous le lit, ni vu ni connu.

Quelques étés plus tard, j’ai découvert dans le Limousin le coussin carré de l’École occidentale de méditation. Avec lui, une posture différente et des questions: que faire de ces genoux laissés libres? Que faire de ce léger déséquilibre qui me rappelle celui de mon existence ? Cela me désarçonnait et je fus rassurée de retrouver mon petit coussin blanc à mon retour à Bruxelles.

L’été suivant pourtant un coussin carré rouge et jaune est revenu avec moi du séminaire, décidée à apprivoiser le déséquilibre. Plus question cette fois de le pousser en dessous de mon lit, il m’a fallu lui faire une place dans mon tout petit appartement. Je l’ai posé dans un coin, ce n’était pas l’idéal mais au moins il était là, visible.

L’année dernière, changement de lieu, changement de place, le voilà presque au milieu d’une pièce de l’appartement. Et, il y a quelques jours, alors j’entends pour la énième fois l'instruction de base pour apprendre à méditer chez soi : « il est bon d'aménager un lieu pour la pratique », voilà que la magie des enseignements se produit (nous avons beau les entendre et les réentendre, il y a toujours quelque chose de neuf à apprendre). Etait-ce véritablement un lieu dédié à la pratique ? Pas si sûr… avec l’aide d’amis chers, j'ai regardé à neuf et décidé de transformer quelques petites choses.

Un paravent, deux estampes chinoises suspendues sur un mur blanc, et mon beau coussin - noir maintenant - posé en leur faisant face. Cette fois, ça y est !

Puis enfin, s’assoir dans cet espace.

Et voilà que l’expérience de la méditation y est entièrement transformée. A peine posée, je suis entièrement convoquée par l’esprit de la pratique. Ce qui aurait pu passer pour un souci décoratif est un fait un souci d’harmonie.

Si je me suis permise de partager les tribulations de mon coussin depuis le dessous de mon lit jusqu'au cœur de mon foyer, c’est qu’elles symbolisent bien le cheminement de la pratique dans mon existence.

Et le vôtre, quelle place lui avez vous donnée ?

Marine Manouvrier
Bruxelles

mardi 25 octobre 2016

Garage

Photo William Eggleston.
Adolescent, j’ai fait un apprentissage dans un garage pour devenir mécanicien.
J’ai toujours apprécié « bricoler » et je voulais faire un travail pratique et concret, plonger mes mains dans le moteur, changer les pièces endommagées, trouver le problème et le réparer !
Voilà l’idée que j’avais en commençant à travailler à 14 ans...
 
Or j’ai très vite réalisé qu’avant de toucher un moteur, mon travail consisterait essentiellement à nettoyer les voitures, le garage, les outils etc.
Je passais la plupart de mes journées à passer l’aspirateur dans les voitures. C’était une tâche simple, parfois ennuyante et souvent, je trouvais le temps long.
Toutefois, à force de faire ce travail, jour après jour, je me souviens que je n’ai pas cessé de faire des découvertes...
 
Tout d’abord, j’avais remarqué que si je faisais vraiment attention à ce que je faisais, en étant présent à mes gestes, en faisant attention à ma manière de laver les vitres des voitures par exemple, plutôt que de le faire machinalement en espérant que la fin de journée arriverait rapidement, le temps passait plus vite !
Non seulement le temps semblait plus court, mais ce travail rébarbatif devenait un peu plus “intéressant”. En étant juste avec ce que je faisais, attentif à manière d’aspirer la saleté, cela changeait mon rapport au travail. J’explorais également toutes les différentes manières de nettoyer les vitres, de polir le tableau de bord, j’essayais de trouver comment bien le faire, avec soin et rapidité.
 
Aussi, j’avais découvert que si je faisais ce que je faisais avec cœur, en pensant aux personnes qui viendraient chercher leur voiture le soir et qui allaient sûrement être contentes de la retrouver toute propre, cela me donnait une joie supplémentaire à la tache et l’envie de m’appliquer davantage.
C’était des découvertes toutes simples mais je me souviens avoir trouvé cela vraiment génial. Au fil des mois un travail qui m’avait semblé au premier abord ennuyeux s’était transformé et était devenu un moyen de donner de ma personne...
 
Bien des années plus tard, en rencontrant la pratique de la méditation, j’ai été émerveillé de voir que mes découvertes en nettoyant des voitures sont profondément en rapport avec tout ce que nous découvrons sur le coussin et que même, la pratique est un chemin pour leur donner encore plus d’ampleur !
Je trouve toujours tellement merveilleux de voir comment la méditation n’est pas séparé de la vie de tous les jours, comment elle éclaire la vérité du travail et aide chacun à donner le meilleur de soi-même dans tout ce qu’il fait... 

Guillaume Vianin
Neuchatel

Guillaume enseignera sur le prochain stage de découverte de la Pleine présence en Savoie.

vendredi 21 octobre 2016

La vertu des stages

Notre École a donné fin septembre son tout premier stage d’Amour bienveillant. Nous étions 40 réunis dans la jolie campagne normande d’Aubry-le-Panthou pour découvrir et approfondir un ensemble de pratiques précieuses et essentielles et pour retrouver un lien à notre cœur, à nos proches et au monde. 

Voici quelques témoignages touchants qui reflètent l’atmosphère très particulière aussi bien que le travail de fond que nous avons partagés :

    « Une plongée dans de l’océan du cœur » Jean-Marc
    « Un travail de pionniers » Annette
    « Il y a une telle précision dans les réponses à chacune des questions que nous nous posons quand nous abordons ces pratiques » Nell
    « J’ai l’impression d’avoir trouvé le chemin de mon cœur » Laure
    « Je sens une grande gratitude en recevant toutes ces pratiques… La manière de les présenter est tellement simple et lumineuse » Boris
    « Le cadre affectueux de l’École me permet de faire l’expérience de la Bienveillance malgré les difficultés. Et mon lien aux autres s’en trouve renforcé. » Valérie

Les conditions étaient idéales pour donner naissance à cette grande première et chacune, chacun peut témoigner d’une expérience importante. 


Les pratiques d’Amour bienveillant recèlent de grandes possibilités de transformation et sont la voie royale pour entrer en amitié avec soi. La bienveillance est au cœur de tous les enseignements transmis dans l'École. Pourquoi ? Peut-être parce ce qu'elle sauvera le monde de la brutalité ordinaire dans laquelle il s'engouffre chaque jour un peu plus... 
Qui n'a pas rêvé enfant ou adolescent de "sauver le monde" ? 
Et si l'on pouvait commencer par soi, par entrer en amitié avec soi, par prendre soin de ceux qui nous entourent qu'ils soient amis ou étrangers ?

La bienveillance est également au cœur  de la Pleine présence telle qu'elle est apprise dans l'École. "Bienveillance et Pleine présence sont les deux ailes du même oiseau" aime à rappeler Fabrice Midal.

Cette délicatesse, ce soin avec lequel nous pouvons aborder la pratique, voilà où réside la bienveillance, toujours accessible pour peu qu'on lui donne droit.

Marie-Laurence Cattoire
Paris 

Pour en savoir plus sur les stages organisés par l'École occidentale de méditation

jeudi 20 octobre 2016

Une étrange plénitude

Lisant hier la dernière Newsletter de l'Ecole consacrée à la pleine présence, ce qualificatif de pleine m'a arrêté. La présence on sait ce que c'est : être – ni plus ni moins – à soi et au monde.
 
On sait aussi la présence des choses (quand elles sont des choses justement et non des objets). Et combien tout ce qui abrite la vie est d'autant plus présent – les plantes, les animaux, les hommes.
 
Mais pour le promeneur, combien étrange sur son chemin la variable qualité de cette présence. Une lumière vient frapper obliquement un vase bien ordinaire – et celui-ci se met à embraser la pièce entière. Un chat se dresse par la pointe des oreilles vers un bruit insolite – le voici doublement lui-même.
 
N'est-ce pas cela aussi que suggère ce mot de pleine appliqué à la présence : qu'il en existe divers degrés – de la quasi évanescence au parfait déploiement de l'être. Les humains arpentent particulièrement cette gamme. Parfois tellement effacés qu'on les dirait comme doués d'absence – si peu eux-mêmes – et par là si loin des autres. D'autres fois si pleins de vie – habités presque à notre insu par une densité qui nous échappe et coule d'elle-même comme une rivière dans le pays. 

Étrange encore comme les pays abritent la présence. Je pense bien sûr à ce massif des Bauges, jadis traversé, et où se déroule le prochain stage de novembre. Me reviennent sous les pas les pierriers sifflant de vipères au pied de ses hautes falaises. Les trésors sonores véhiculés par ses torrents jusqu'aux grands lacs de silence qui bordent ses remparts. C'est dans son mystère qu'une montagne vous garde. Celui-ci est un mystère à ciel ouvert. Sa clef (s'il m'est ici permis de révéler un secret) est dans ses nuages. Nuages au fond des lacs – et de là à l'assaut des pentes vers les cols – pour gagner leurs célestes champs.
 
C'est peut-être cela qui fait du promeneur un méditant : cet accord au pays, révélant combien se travaille la plénitude de la présence. S'asseoir comme une montagne, goûter la vie comme elle se présente et apprendre à la laisser rayonner.
 
Étrange enfin que nous puissions, par la méditation, cultiver ensemble cette assise, comme nous y invite ces stages. En quelques jours, donner droit à cette commune présence – comme si la méditation, abritée le reste du temps dans la pratique de chacun, soudainement découverte au grand jour, pouvait se déployer entièrement dans ce partage.

Yves Dallavalle
Chapendu

mardi 18 octobre 2016

La tristesse, signe d'une grande santé ?

Il y a une dizaine d’années j’étais parti en vacances en famille un été. Nous avions confié notre maison à un couple de retraités pour qu’ils s’occupent des animaux domestiques. C’était l’occasion pour eux de découvrir une région qu’ils ne connaissaient pas tout en séjournant dans une maison confortable. 

A notre retour nous avions été très surpris de les retrouver très déprimés et pressés de partir. Ils n’avaient visiblement pas apprécié leur séjour et étaient à peine sortis de la maison pour visiter les alentours. Il leur tardait nous avaient-ils dit de retrouver l’association humanitaire en Afrique pour laquelle ils travaillaient. 

Je me souviens avoir pensé qu’ils avaient vraiment un problème psychologique pour être aussi tristes et ne pas être capables de s’adapter dans un contexte nouveau qui aurait pu être agréable et leur permettre de découvrir une nouvelle région. Leur cas était pour moi clair et je leurs aurais volontiers conseillé d’aller consulter un psychologue pour soigner leur dépression.

Quand je repense à eux aujourd’hui mon regard sur cet événement a changé. Je réalise que je les avais catalogués un peu vite, sans même les connaître. Peut-être se sentaient-ils appelés par une cause qui les dépassait et qui donnait une direction à leur vie, à tel point qu’une parenthèse de quelques jours dans un lieu sans rapport avec leur aspiration leur était apparue comme très futile ? 

Je me rends compte maintenant qu’une tristesse, voire une dépression n’est pas forcément le symptôme d’une maladie. Parfois même c’est le signe d’une grande santé. Vouloir s’adapter à toutes les situations pourrait revenir à l’extrême à accepter l’inacceptable. 

Je ne vois plus aujourd’hui mes états de tristesse si dramatiques qu’auparavant. La méditation n’a pas éliminé ces moments, même si elle m’a permis de ne pas m’y morfondre, voire de les apprivoiser. Je me méfie par ailleurs des approches psychologiques qui prétendent que ces états de tristesse sont pathologiques et cherchent à nous rendre adaptables à toutes les situations. 

Je ne sais pas au fond qui étaient ces personnes qui étaient venues passer des vacances dans ma maison, ni ce qu’elles sont devenues. 

L’idée même de vacances s’est modifiée depuis que je pratique la méditation et que je suis engagé dans notre École. Si passer des vacances signifie être ensemble, nourrir des liens ou s’assoir sur un coussin de méditation cela me va, mais ce qu’on entend en général aujourd’hui par vacances est souvent une sorte de parenthèse. On cherche à se divertir, à se dépayser, on souhaite des distractions, de la consommation culturelle, des aventures, comme pour donner du piquant à la vie, pour trancher par rapport à notre quotidien trop terne ou pour capitaliser des connaissances ou des expériences nouvelles.

Au fond, cette idée de vacances est passée pour moi au second plan par rapport au fait d’être au travail, de pratiquer la méditation, d’être engagé dans un chemin, de suivre une aspiration. 

Je veux croire que cette aspiration peut changer le monde. 

Xavier Ripoche
Paris

dimanche 16 octobre 2016

Se tourner vers ce qui apaise

Claude Joseph Vernet, Un port de mer au clair de lune, 1761, Paris, musée du Louvre.
« Tourné attentivement vers ce qui apaise,
je me suis résolu à la nuit [indemne],
mes sens se sont écoulés de moi
et le cœur indiciblement en est multiplié. »

Rainer Maria Rilke, Poèmes à la nuit

Une joie immense s’empara de moi, quand, revenant du premier stage de pratique de l’Amour bienveillant de l’École qui eut lieu en Normandie à la fin du mois dernier, je trouvais ces mots de Rainer Maria Rilke. En les lisant, il me semblait découvrir une description d’une incroyable justesse de ce que nous nous étions attaché à faire avec ardeur pendant ces quelques jours. Il y a toujours un côté déconcertant d’entendre parler de méditation là où il n’y aurait, en toute rigueur, aucune raison de l’évoquer. Rilke ne pratiquait pas la méditation, et pourtant, ses mots sont peut-être ceux qui en parlent le mieux. Sûrement est-ce parce que Rilke, comme tout poète véritable, parle de l’indicible de notre existence et que la méditation, par d’autres moyens, nous fait toucher ce même indicible.

Se tourner attentivement vers ce qui apaise, c’est très précisément ce que l’on fait dans la pratique de l’Amour bienveillant. Contrairement à la pratique de la pleine présence où l’on est attentif à tout ce qui survient, dans la pratique de l’Amour bienveillant, nous orientons de manière délibérée notre attention vers ce qui apaise. Parfois nous y allons directement en nous remémorant des moments où nous avons reçu la gratitude de l’amour ou en évoquant les personnes qui incarnent pour nous la bienveillance. Parfois, au contraire, nous passons par l’évocation d’éléments plus douloureux et nous cherchons un sens d’apaisement capable de prendre soin de nos souffrances. Dans toutes ses formes, la pratique de l’Amour bienveillant consiste à nous exercer avec douceur à développer la tendresse de notre cœur.

D’abord nous nous tournons vers ce qui apaise, et ensuite, si nous le pouvons – car même si nous nous y sommes résolu, il est très possible que nous n’y parvenions pas – nous nous abandonnons pleinement à l’épaisseur de cet apaisement. C’est là, dans la profondeur de notre cœur que réside la tonalité fondamentalement bienveillante de notre être. C’est une dimension pleinement ouverte, toujours disponible et que rien ne peut altérer. Elle est immense, souverainement paisible et indestructible, et en ce sens, elle ressemble à la nuit indemne du poète.
Dans la pratique, il est possible que nous ressentions des émotions très fortes. Il est possible aussi que nous ne ressentions rien, ou que nous ne percevions que quelques timides bribes de douceur. Cela n’a aucune sorte d’importance. Ce qui importe, quelle que soit l’intensité de ce que nous ressentons – ou de ce que nous ne ressentons pas – c’est d’observer comment ces sensations nous mettent en relation avec une dimension plus grande que nous-même. Comme si elles s’échappaient de nous pour aller à la rencontre des autres et du monde.
      
Nous partons à l’exploration de notre cœur, et nous découvrons quelque chose de bien plus vaste. Cette dimension d’amour bienveillant, que nous trouvons au plus profond de notre propre être, n’est pas limitée : la pratique est l’occasion de la laisser se déployer de façon exponentielle.

Benjamin Couchot
Paris

vendredi 14 octobre 2016

Un dimanche à Bruxelles

C’est baigné du soleil de l’automne bruxellois que nous avons ce dimanche dernier exploré les Bases de la Méditation en un Jour.
Marie-Laurence Cattoire nous a promené au travers des 6 points de la posture et a allègrement tranché dans les grands idées fausses les plus répandues à propos de la méditation. 
Après avoir goûté la richesse de la vie en nous en nous appuyant sur le souffle, ce sont quelques fruits de la méditation que j’ai eu la joie de déployer l’après-midi.
Nous avons aussi médité en évoquant des images comme manière d’entrer plus précisément en rapport à l’immobilité et Marie-Laurence et moi avons donné quelques pistes pour poursuivre le travail, chez soi et au sein de l’École occidentale de méditation.

Le tout accompagné des sourires, des questions et de la chaleur de tous les participants. 

Comment passer un plus beau dimanche ?

Marine Manouvrier
Bruxelles


Pour plus d'information sur l'École occidentale de méditation à Bruxelles c'est ici.

jeudi 13 octobre 2016

Retrouver le goût d'attendre

8h15, Paris, France.
J'attends mon bus à l'arrêt des Gobelins. 
Le panneau d'information affiche 8 minutes d'attente. 
Que faire ?
Sortir mon i-phone pour regarder les mails arrivés dans la nuit ? 
Mettre mon casque pour écouter de la musique ? 
Feuilletez le quotidien gratuit du jour ?

Et si je suivais plutôt cette belle invitation de François Roustang : attendre, savoir attendre...

8 minutes de pure attente, à ne rien faire, à me disposer au monde qui m'entoure.

Alors je sens la présence des gens autour de moi, la douceur d'un été indien sur Paris, un éclat dans le ciel - le soleil sur la carlingue d'un avion - le bruit si particulier des voitures mêlé à celui des terrasses de café déjà bondées d'hommes d'affaires autour de leur café du matin...

Et puis je réalise que je suis agitée, pressée d'arriver au bureau comme si la distance qui m'en séparait pouvait être abolie. Et pourtant le voyage fait partie du chemin non ?
Je laisse passer cette agitation pour goûter le moment, dans sa fraîcheur et sa nouveauté d'aujourd'hui ; ce n'est pas le même matin qu'hier. Il n'a pas la même tonalité, pas la même couleur, pas la même température. 

La méditation m'a appris à savoir attendre et à découvrir que cette attente pouvait être un cadeau, un temps offert au lieu d'un temps perdu. Quelques précieuses minutes où je peux profondément me détendre et apprécier le fait d'être vivante
Et le plus incroyable est que cela est possible à chaque moment de la vie.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

lundi 10 octobre 2016

Guérir de la peur

Paul Klee, Nördlicher Ort, 1923.
La pratique de la bienveillance aimante consiste à évoquer certaines situations de façon délibérée.
On évoque des situations dont le but est de nous relier à notre cœur, de réunifier notre cœur au monde pour apaiser notre propre souffrance mais aussi la souffrance des autres. 
La première vertu de cette pratique c’est de refaire lien.

Elle a été donnée par le Bouddha lui-même dans des circonstances particulières. Les moines partis dans la forêt n’arrivaient pas à y pratiquer parce qu’ils avaient peur d’être attaqués par des bêtes féroces et des brigands. Ainsi, le Bouddha leur a donné cet enseignement pour qu’ils puissent surmonter la peur. Il est bon de nous rappeler que c’est une pratique pour nous guérir de la peur !

Quand nous avons peur, nous nous sentons séparés, isolés, souvent  coupés de notre corps et de nos sensations, nous nous sentons loin des autres, parfois exclus, oubliés. Et nous sommes pris dans cette dichotomie entre moi et les autres.
L’amour bienveillant agit comme un baume qui nous permet d’expérimenter que nous ne sommes pas séparés des autres, de la nature, de notre environnement.
Mais il est très important de ne pas séparer la bienveillance pour soi de la bienveillance pour les autres.
Et très vite nous constatons que l’amitié pour soi est un vaste chantier.
Notre dureté vis-à-vis de nous mêmes peut être bien subtile et pas nécessairement apparente. 
C’est un énorme travail d’entrer en amitié avec soi. 


Pourquoi est-ce si difficile ?
Parce que la bienveillance n’est pas une question de volonté.
Elle ne peut naître que parce que nous touchons la blessure de notre cœur. Aller voir ce qui est blessé en nous, se relier à ces blessures peut être un très long chemin. Et il se peut que nous n’arrivons pas à toucher notre cœur blessé, que nous ne sentons rien.
Faire la paix avec ce qui est blessé en nous veut dire nous relier à la situation, quelle qu’elle soit.
C’est la seule manière pour que la bienveillance ne soit pas une injonction morale ou un vœu pieux.

Les mots du poète Robert Marteau "porter une amoureuse attention à la matière du monde" inspirent pour se mettre en piste …

Elisabeth Larivière
Paris

mercredi 5 octobre 2016

L'autre voyage

Quand ses étudiants lui demandaient s'ils devaient revendiquer pour eux-même le terme de bouddhiste, Chogyam Trungpa répondait que certainement ils pouvaient le faire sur les formulaires d'entrée d'hôpital – mais que pour le reste, il était plus approprié de se dire pratiquant du bouddhadharma – l'enseignement de l'éveil.
 
C'est que tous ces istes sont si enfermants ! 
Vous aimez les papillons ? On vous traite d'entomologiste. C'est vexant... Et ça vous enferme dans une identité – ce que la voie du Bouddha considère comme l'illusion majeure d'où découle le reste de nos problèmes de nombril (ou bien doit-on dire : nos problèmes nombrilistes ?).
Être sur la voie – c'est la formulation que je préfère. D'abord parce que cela rappelle Tintin et le Lotus Bleu :
– Vous avez trouvé la voie ? demande à Tintin un dément armé d'un sabre. – Non ?
Alors je vais vous couper la tête !
 
On croirait entendre un grand maître du Chan chinois.
 
Ensuite parce qu'une voie appelle la marche, l'inconnu, le pays.
 
Mais comment se déroule-t-elle cette voie du Bouddha ? Sur deux pieds (ça reste la meilleure façon de faire un pas) : la méditation alternant avec le questionnement de cette méditation – pratique, étude – pratique, étude – dans cette marche à l'éveil, sur laquelle – somnambules troués d'éclats de veille – nous allons au fond de l'inconnu – pour trouver du nouveau !

S'ouvre un nouveau voyage sous nos pas orientés par le geste d'humilité du Bouddha touchant la terre. Ô vous qui voulez manger le lotus parfumé – c'est ici que s'invente un enseignement pour regagner la terre d'Occident ! Car c'est à cela que nous sommes conviés – s'asseoir sur la terre et questionner le Dharma jusqu'à ce qu'ensemble nous parlions la langue d'Orphée.

Est-ce audible dans l'assourdissant disparate de notre temps ? Une voie se dessine – qui à la fois dépasse notre individu pour toucher à l'humanité qui nous rassemble – et nous parle à nous personnellement et à nous seulement. Comment nos cœurs ne seraient-ils pas remplis de rayons ?

Yves Dallavalle
Chapendu 

N.B.Yves enseigne cette année un cycle de 9 cours pour découvrir le bouddhisme. 

dimanche 2 octobre 2016

Courgette !

Source photo : French Vocabulary Illustrated
Shunryu Suzuki, sans aucun doute le plus racé des maîtres de méditation zen de son temps – souple et vif comme un félin dans sa pensée d'une douceur incomparable – disait :
un esprit éveillé est un esprit vide et prêt. 
On sent le chat prêt à bondir. 
On voit aussi ce qu'il entend par l'esprit du débutant – cette joie curieuse qui nous prend au premier cours de danse, à la première conversation.
Cette ignorance ravie de faire connaissance. Cette soif d'apprendre qui nous pousse en
riant dans l'erreur – parce qu'elle se préoccupe moins du résultat que de la découverte.
Comme ces enfants de 8 à 10 ans qui, en classe, lèvent encore le doigt même s'ils ne savent pas réponse. Quand la maîtresse les interroge – les voilà bouche bée : leur doigt pointé ne visait que le plaisir de chercher.

L'autre jour à l'école, il y avait une charade pour ouvrir la matinée.

mon premier fait miaou
mon second est sous la vache
mon troisième n'est pas tard
mon tout fait le cirque

Interrogés par la maîtresse, plusieurs élèves déjà avaient vainement tenté de résoudre l'énigme. Quand vint le tour d'Hamza (Hamza lève souvent le doigt) il s'écria d'un ton convaincu :
Courgette !
Ne me demandez pas comment il en était arrivé là – lui-même ne le savait pas – mais la réponse très assurément résidait là : courgette !
La classe éclata naturellement de rire – ce qui élargit encore le grand sourire d'Hamza.

En plus de cette fraîcheur enfantine si réjouissante, je crois que nous étions tous frappés de la puissance poétique de cette réponse. Un court instant – entre ce mot de courgette et les rires – nos esprits à tous s'étaient arrêtés. Peut-être est-ce cela qui avait déclenché nos plus beaux éclats de joie : cette effraction de non-sens qui, vidant nos esprits, les préparait au rire – comme le coussin nous prépare à la surprise du moment.
Les rires se turent, Hamza souriait encore. Ses yeux disaient que certainement à la prochaine question, il lèverait à nouveau le doigt – en attendant que la réponse vienne – ou pas.

Yves Dallavalle
Chapendu

samedi 1 octobre 2016

Un "ne rien faire" qui n'est pas rien !

La méditation est mangée à toutes les sauces depuis quelques années et il est de plus en plus difficile d’en retrouver le goût initial derrière toutes ces manières de l’accommoder. La méditation comme : méthode pour se calmer, pour mieux dormir, pour gérer nos émotions, pour augmenter les ondes gamma de notre cerveau, pour mieux aimer, pour être heureux, pour diminuer son stress, pour essayer le dernier truc à la mode, pour supporter ses enfants, son boulot, ses voisins, son chien, … Bref ! Dans cette société où seules les choses qui ont une utilité ont de la valeur, ce n’est au fond pas si étonnant que cette pratique soit présentée ainsi.

Pourtant, ce qu’il faudrait essayer de voir c’est que si toutes ces choses peuvent être le fruit de la méditation, jamais ces fruits ne mûriront si nous nous asseyons sur un coussin avec ceux-ci comme objectif. Y aller par là, c'est tout prendre à l'envers ! Si ces fruits peuvent un jour éclore, c’est bien parce que nous aurons - à un moment donné de notre existence - choisi de poser un geste qui fait effraction dans le cours habituel de nos habitudes et ce geste c’est s’asseoir. Pour rien !

Pratiquer la méditation, c’est se donner de l’espace et se mettre dans une disposition d’esprit, d'être même, dans laquelle nous sommes ouverts entièrement à ce qui n’a pas de prix. Un temps d’arrêt, où rien ne s’arrête, et où tout se reconfigure.

Je me fais ce cadeau de m’asseoir sur terre et de me rappeler que je suis un être corporel. Je me tiens assise et droite et je reste dans cette posture, je m’y tiens. A chaque fois, c’est nouveau. Parfois je m’ennuie comme un rat mort, parfois je me sens prise dans étau de feu, parfois c’est la grâce, parfois je dors, parfois je touche le cœur de mon être, … jamais ce n’est pareil et c’est à l’être animé par la vie auquel je me relie en méditant. Et ce n’est pas rien !

Et oui, les bourgeons de la pratique fleurissent progressivement, je suis plus courageuse et plus confiante, je me relie plus authentiquement aux autres, j’ai moins peur de toutes ces émotions qui me traversent, je suis plus patiente, je sais que tout est mouvement, plus bienveillante aussi, … Autant de choses intangibles, sans valeur commerciale, qui arrivent au gré de l’expérience, au gré du cœur que l’on y met. Et ce n’est pas rien !

Marine Manouvrier, 
extrait de l'enseignement à Bruxelles du mercredi 28/09/2016