dimanche 17 avril 2016

Un lieu à soi

« L’esprit est certainement un organe très mystérieux, me dis-je en écartant la tête de la fenêtre, et dont on ne sait absolument rien, alors que nous dépendons si complètement de lui. De même qu’il y a des tensions dans le corps, dues à des causes évidentes, je sens qu’il y a des ruptures et des oppositions dans l’esprit, mais quelle en est la cause ? Et que veut dire « l’unité de l’esprit »? Car l’esprit a clairement un pouvoir de concentration si grand, sur n’importe quel point à n’importe quel moment, qu’on ne peut pas, semble-t-il, lui attribuer un seul état. Il peut se dissocier des gens de la rue, par exemple, et se penser comme séparé d’eux à une fenêtre les surplombant. Ou il peut penser avec d’autres gens spontanément, comme au sein d’une foule dans l’attente de nouvelles qui vont être lues à haute voix. (…)
Clairement l’esprit modifie sans cesse sa focalisation, et présente le monde sous différentes perspectives. Mais quelques-uns de ces états d’esprit semblent, même quand on les adopte spontanément, être moins confortables que d’autres. Pour conserver sa propre continuité en eux, on doit inconsciemment repousser quelque chose, et graduellement cette répression devient un effort. Pourtant il se trouve peut-être un état d’esprit dans lequel on peut persévérer sans effort parce que rien ne nécessite d’être repoussé. »
 
Un lieu à soi de Virginia Woolf, 
traduction de Marie Darrieussecq,
proposé par Marine Manouvrier
Bruxelles

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