lundi 29 février 2016

Conduite

La méditation s'apparente beaucoup à la conduite automobile. 
Il y a une technique à posséder. Tenir le volant, changer les vitesses, accélerer ou freiner, jeter un œil aux rétros... Sur le coussin (le véhicule qui mène ici) il s'agit d'habiter sa posture, de poser l'attention sur le souffle, de dire bonjour à la présence...
Une fois familière, cette technique ouvre à plus large. Nous nous retrouvons à la bonne allure, selon l'état de la route et de la voiture, les conditions météo, la circulation. Nous sommes à même, sans rien perdre de la vigilance constamment requise, d'apprécier le pays traversé (le gps est coupé, on ne regarde plus le monde à travers un écran mais directement – oui c'est possible).
Le plaisir automobile vient de la combinaison de l'attention à la mécanique – faire un avec sa berline – et d'un sens de conduite panoramique. L'expérience est entière, sans rupture ni zone d'ombre.
La méditation est ainsi. Lorsque corps et souffle sont habités, une détente générale prend place, libérant le rapport à soi-même, éveillant l'intérêt pour ce qui nous traverse et ce qui est traversé. On peut se retrouver sous une pluie battante à doubler des camions qui envoient des trombes d'eau sur le pare-brise – et cependant quelque chose ne bouge pas. Technique, détente, tendresse et curiosité font bon ménage avec la tempête, elles permettent de l'apprécier réellement pour ce qu'elle est.

Yves Dallavalle
Chapendu

samedi 27 février 2016

Etre exactement là où nous sommes.

Dans une causerie donnée en 1974 lors d’une retraite, Chögyam Trungpa dit ceci, que je traduis librement de l’anglais :
 « Je suppose que c’est une habitude typique du monde occidental que de rechercher un changement d’humeur. Chaque événement de votre vie doit être une surprise. Dans l’Angleterre victorienne, même si vous savez que vous allez prendre votre thé à cinq heure, quand la serveuse arrive avec votre thé, tout le monde dit : « Ah, voilà la serveuse, voilà le thé. Oh, prenons notre thé. Invitons quelqu’un pour le thé. S’il vous plaît, servez-vous de ce cake. » Quand le dîner arrive, « Ah, c’est l’heure du dîner. » Quand, en fin d’après-midi, nous arrivons un peu déprimé par une journée ratée, l’annonce du dîner nous remonte le moral. La vie vaut encore une fois la peine d’être vécue. Bon, ensuite, c’est l’heure du coucher. «Tu devrais aller dormir ; tu peux avoir encore un chocolat chaud ou un lait chaud, si tu veux ». Le matin, au réveil, ils disent «  Avez-vous passé une bonne nuit ? Voilà le petit-déjeuner. Il y a du jus de fruit. ». Il y a une gesticulation pathétique pour se remonter le moral à chaque moment. Quand vous descendez un escalier, il faut le remonter ; alors vous descendez, et vous remontez, et vous descendez, et vous remontez - on ne fait jamais face à la vie. »

Chögyam Trungpa nous montre avec humour qu’il nous est très difficile de nous poser, d’être exactement là où nous sommes sans avoir besoin d’une distraction, ou d’un petit effet qui donne du relief à une vie qui nous paraît sans cela plate, insipide, déprimante. Pratiquer la méditation nous met dans cette situation où, quand l’ennui et la déprime pointent leur nez, nous voyons tous nos petits jeux pour essayer de les tromper. Au bout d’un moment, si nous tenons bon, quelque chose en nous consent à juste être assis dans la simple présence. Nous sommes alors enfin posés sur terre, en mesure d'apprécier le goût incomparable de la vie comme elle est, sans la nécessité d’y rajouter notre grain de sel. 

Dominique Sauthier,
Genève

jeudi 25 février 2016

La bienveillance commence à la maison !

Considérer les affaires domestiques, son foyer, les courses à faire ou l’accueil des siens, avec sérieux et attention est d’une importance capitale. 

Il est très étrange de penser qu’il y aurait les actions humanitaires d’un côté et le quotidien de l’autre. 
L’amour bienveillant commence chez soi, avec son conjoint ou ses enfants, ses plantes, son chat. 
Tenir sa maisonnée propre, laver la vaisselle, ranger ses livres ou ses vêtements est déjà une étape importante à l’attention que nous pouvons porter à notre vie. 

Participer à rendre le monde meilleur, c’est aussi prendre soin du quotidien.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

mercredi 24 février 2016

Un peu de décence !

Je suis frappée par le sens de décence qui se dégage des pratiquants aguerris.

Sans doute est-ce par contraste avec le manque de décence qui colore les rapports humains aujourd'hui. 
Avoir de la décence, c'est observer strictement ce qui est permis ou non, c'est-à-dire porter à sa pointe le soin et l'attention à l'autre, de telle manière que rien ne soit déplacé ou inapproprié. Elle ne s'apprend pas dans les livres mais est bien plutôt de l'ordre de la sagesse pratique. 
George Orwell appelait ce savoir populaire la "common decency".

La méditation entraine le pratiquant à la vue claire à partir d'une base solide, elle travaille en lui de telle manière qu'il arrive à reconnaître plus aisément ce qui convient ou non dans une situation. Dans son existence, il se redresse en décence et en dignité.

Marine Manouvrier
Bruxelles

lundi 22 février 2016

La révolution comme fidélité à l’origine.

On peut regarder le travail de Trungpa pour transmettre la pratique de la méditation en occident comme révolutionnaire dans le sens où l’entend le philosophe François Fédier dans cette citation.
En effet, Trungpa a libéré de la gangue des habitudes et des usages la parole originelle du chemin bouddhique pour qu’elle soit audible à l’occidental. Dans ce cadre, il devient possible de réinventer les formes du dharma tout en restant fidèle à la source des enseignements. 
Ce paradoxe est possible du fait que la source n’est pas dans la passé mais bien là, maintenant, dans le présent vivant.
Ainsi cette fidélité à la source pour repenser à neuf le maintenant se dégage des deux postures habituelles : celle du conservateur « qui veut garder intact ce qui a été pour le seul fait qu’il ait été, sans égard pour la véritable grandeur » (Fabrice Midal, « Trungpa », p. 96) et celle du révolutionnaire vu comme la figure détruisant entièrement le socle de la tradition.
Le véritable révolutionnaire se situerait alors dans cette posture entre deux qui ne rejette pas le passé mais qui se met à son écoute pour l’accorder à notre temps ; son existence, se dégageant des conventions, sera alors jaillissement de la vérité authentique.

Mathieu Brégegère
Paris

dimanche 21 février 2016

Choisir sa vie

"Je préfère être la version haut-de-gamme de moi-même que la version moyen-de-gamme de quelqu’un d’autre." déclarait l'actrice Judy Garland.

Quand j’ai lu cette phrase dans le livre de Tal Ben Shahar Choisir sa vie, elle m’a percutée.
Oui, il vaut toujours mieux vivre pleinement notre vie, assumer pleinement ce que nous sommes plutôt que d’essayer de ressembler à quelqu’un d’autre que nous admirons.
Oui, notre vie est valable et réelle.
Mais combien de temps passons-nous à rêver notre vie ? A envier celle d’une autre ou d’un autre ? A croire que peut-être un jour nous vivrons pour de vrai mais que, dans l’attente, nous restons comme en apnée…

N’oublions pas que ce qui nous arrive est NOTRE vie ; il n’y en a pas d’autre !

Toute vie humaine comprend son lot de changements non désirés, d’obstacles, de heurts et de difficultés. Le philosophe allemand Goethe le dit ainsi « La vie appartient aux vivants et les vivants doivent s’attendre au changement. »

Vivre entièrement, c’est accueillir tout ce qui advient, pourquoi alors vouloir éviter ce qui nous déplaît pour ne garder que ce qui nous plaît, comme si alors notre vie en deviendrait meilleure ? Dans la méditation, nous nous entraînons, patiemment, à ne rien rejeter de ce qui nous provoque, à accueillir avec bienveillance les événements, les émotions, les contrariétés… Alors tout devient occasion de cheminer plus avant et nous donne la possibilité de transformer notre vie en aventure quotidienne.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

samedi 20 février 2016

Les ombres sans consistance de nos opinions

Il m’arrive de découvrir, quand je parle avec un ami, que je ne l’écoute pas vraiment. J'imagine que j’écoute avec attention ce qu’il me dit, mais en réalité je suis ma propre idée et ne quitte pas ma façon de voir les choses.  Et même, l’écouter  pourrait me conforter dans ma position. 

Avoir une véritable écoute est en réalité très difficile. Il ne s’agit pas seulement d’écouter avec attention, de suivre le fil de la parole, des phrases, et d'en comprendre le sens, mais avant tout de se déprendre de sa propre opinion. Ecouter sans à priori, sans le moindre accrochement, sans cette petite voix qui en arrière-fond commente, compare, se rassure qu’elle a bien raison de penser ce qu’elle pense, c’est en réalité la seule possibilité d’une vraie rencontre, d’une rencontre qui nous transforme.   

Cette entière disponibilité, cette transparence, c’est celle que nous apprenons quand nous méditons : nous sommes attentifs à notre souffle, nous l’accueillons et le laissons être comme il est. Et nous voyons et laissons passer comme des ombres sans consistance ces opinions qui obscurcissent notre disponibilité à ce qui est.

Dominique Sauthier
Genève

jeudi 18 février 2016

L’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant

Encore une journée bien remplie : la réunion clients s'est bien passée, les deux dossiers de presse urgents sont bouclés, j'ai pu confirmer les rendez-vous de demain, appeler les journalistes pour vendredi, répondre aux 80 mails quotidiens... Ouffffffff...

Je me pose sur mon coussin, je commence ma session de méditation, et soudain cette journée de folie s'évapore, perd de sa densité, de son importance et je réalise...
... Que je n'ai pas assez embrassé mes enfants, pas parlé gentiment à mon mari, pas rappelé cette amie que j'aime tant, pas profité d'un soleil magnifique pour me promener en bord de Seine...

Pas fait l'essentiel, pas fait attention à l'essentiel, menacée que j'étais par les fausses urgences...

Méditer me permet à chaque fois de retrouver le goût de l'essentiel c'est-à-dire de la vie.
Aimer, aider, écouter, prendre soin des siens et de ceux qui nous entourent, rire aussi.
Retrouver tout l'humour de ma situation, redécouvrir la joie d'être vivante. Voilà l'essentiel.

Comme toujours, le poète le dit mieux que quiconque :
"L’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant" René Char

Marie-Laurence Cattoire
Paris

mercredi 17 février 2016

La pleine présence, un chemin vers notre humanité

La méditation offre la possibilité à l’être humain qui la pratique de trouver un ancrage dans son existence.
Nous l’oublions souvent mais c’est dans chaque geste de notre existence, que nous avons l’occasion de déployer notre pleine mesure, pas seulement au moment des grandes occasions ou lors d’actions héroïques. Ce qui est vraiment héroïque pour un être humain, c’est que chaque action soit porteuse du plein accomplissement de son humanité.
A partir de là, un monde magnifique s’ouvre car chaque action est cruciale: comment tenir un verre, cuisiner, s’habiller, se tenir, parler… tout manifeste la pleine présence de l’être humain à son existence. 
Mais entrer dans la présence ne se fait pas d’un coup de baguette magique et c’est bien pour cela que la méditation est un chemin existentiel. 
Sur le coussin, se poser mille fois pour advenir toujours plus à notre humanité.

Marine Manouvrier 
Bruxelles

mardi 16 février 2016

Notre présent manque de simplicité

Je trouve de plus en plus difficile d'être réellement attentive au moment présent, ce présent tout simple qui nous entoure, qui est à chaque instant disponible, généreux et imprévisible. Peut-être parce que notre présent est comprimé entre nos souvenirs du passé - nos échecs, nos regrets ou notre nostalgie - et nos espoirs sur l'avenir, le rêve d'un lendemain qui pourtant sans cesse s'éloigne.

"Le pouvoir des souvenirs et de la prévision est tel que, pour la plupart des êtres humains, le passé et l'avenir ne sont pas AUSSI réels, mais PLUS réels que le présent." écrit Alan Watts en 1951 dans Eloge de l'insécurité.

Mais aujourd'hui, notre présent est également parasité par de multiples présences virtuelles, digitales, factices, qui rendent éminemment plus flou notre accès à cette présence pleine et vivante qui constitue la vie humaine.
Ainsi quand je voyage dans le métro, le bus ou le TGV je navigue au moins autant sur les réseaux sociaux, sur le web, dans un monde virtuel qui a trouvé sa propre existence, sa propre réalité, entièrement élaborée, fantasmée et néanmoins adoubée par la plus grande partie de la planète.
Ce monde virtuel est comme un arrière-plan constamment tapi dans l'ombre de mon cerveau. Ce monde peuplé de #likes, de #followers, de #fans, de #relations, de #j'aime… est si excitant, si rapide, si coloré, si réactif… il est un magnifique miroir aux alouettes.

Alors il y a la pratique de la méditation qui me montre que  "Nothing happens" = rien ne se passe.
Ni ici, ni ailleurs. Pas d'histoire, pas d'imagination, pas de délires. Rien que le présent ordinaire, lumineux, parfumé, bruyant, changeant, instable… qui me permet, chaque jour, de ne pas me perdre dans les limbes du World Wide Web.

Je sens le poids de mon corps dans mes jambes, la plante de mes pieds sur le sol, le léger mouvement de mon souffle, mes capacités auditives et visuelles retrouvent leur fraîcheur, je suis vivante, encore, pour un moment.

Marie-Laurence Cattoire
dans le TGV Angoulême-Paris

lundi 15 février 2016

Une aube

Chögyam Trungpa – Shambhala, la voie sacrée du guerrier.. Voici vingt ans que je lis ce livre inépuisable qui restera comme l'un des très grands de son siècle. Je l'ouvre dix, vingt fois l'an, à chaque fois c'est une plongée aux sources de la vraie vie d'où je rapporte de nouveaux trésors.
 
Ce matin ceci : La douceur provient de l'absence de doute. Ne pas avoir de doute signifie faire confiance à son coeur.
 
On croit ouvrir un livre et c'est lui qui vous ouvre. Qui vient, comme une chanson, réveiller les échos de l'être qu'on avait dépiécé. La formule de Rimbaud trouve sa clé – la vérité dans une âme et un corps, l'expérience de l'unité se déploie dans la tendresse de l'aube d'été. Un merle dans l'érable signe la journée. Je laisse la plume pour entrer dans la clairière accordée.
 
On pourrait dire qu'il s'agit de doute existentiel (comme dans la chanson de Bashung  -  j'ai des doutes sur la remise à flot de la crème renversée),  de tout ce qui constitue une séparation entre soi et les choses,  entre soi et soi.
 
Mais dans le texte de Chögyam Trungpa, il s'agit surtout de non-doute – un état de confiance qui provient de ce qu'on est  profondément un. La méditation nous assemble, elle met ensemble ce que nous croyions en guerre – le corps et l'esprit par exemple.  Aucune certitude mais une confiance enjouée. La vie est si vive !

Yves Dallavalle
Chapendu

dimanche 14 février 2016

Vivre, c'est naître lentement

Mouvement Rythme Danse
édité par l' INSTITUT HONGROIS
Parce qu’elle peut nous mettre en rapport à nos problèmes, à nos souffrances et souvent aussi à l’ennui, la méditation est difficile.

Au début, nous sommes plein d’allant, très ouverts, attentifs à la découverte – ce que Shunryu Suzuki appelle « l’esprit du débutant ». Puis notre enthousiasme s’émousse, l’affairement quotidien reprend le dessus et il se peut que nous n’ayons plus du tout envie de nous asseoir… Cela arrive à tous, sans exception aucune ! Et cela fait partie de la pratique de la méditation sur le long cours : il y a des périodes où cela ne pose aucun problème d’aller pratiquer et d’autres où cela nous demande un effort extrême. Il faut faire avec, et trouver des manières de ressourcer sa pratique quand elle devient un peu sèche ou quand elle a perdu tout son sens à nos yeux – « ressourcer » signifie revenir à la source, à la motivation première qui nous a fait commencer. C’est toujours bon de s’en rappeler. Puis il s’agit de revenir à sa posture et de redécouvrir toutes les subtilités de la respiration et des sensations corporelles. Ressourcer, cela peut enfin passer par la lecture de textes, la vie et l’expérience d’autres pratiquants qui l’ont fait avant nous, et qui peuvent être un soutien précieux.

Pratiquer en groupe peut aussi être très aidant dans ces moments où la méditation nous apparaît plus lointaine.

La méditation est non seulement une hygiène de vie, qui nous met en rapport avec notre santé de base, mais au-delà, elle est un chemin de vie. Elle travaille en nous sur le long terme et chaque session de méditation, absolument chacune d’entre elles, nous fait avancer un peu plus en direction d’un monde plus vivant et plus humain dans lequel nous avons toute notre place, exactement tels que nous sommes.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

"Vivre, c'est naître lentement " - Antoine de Saint-Exupéry

samedi 13 février 2016

La joie du débutant

Rappelez-vous la dernière fois où vous vous êtes sentis débutant.
Peut-être était-ce en commençant un nouveau travail, en vous retrouvant au milieu d'inconnus à un stage de méditation, en vous posant sur ce drôle de coussin carré coloré...
Vous ne saviez pas à quoi vous attendre et tous vos sens étaient en alerte pour ne rater aucune miette de cette expérience neuve. A la fois un brin sur le qui-vive, à la fois expérimentant une certaine tranquillité. Car, lorsque nous sommes débutants, nous pouvons faire des erreurs, cela ne pose aucun problème, pas de règne de la performance, nous pouvons simplement être ce que nous sommes. Comme c'est bon d'être débutant !
Mais, bien vite, des automatismes apparaissent, des jugements rapides recouvrent l'expérience nue, des idées préconçues biaisent la situation...
Il est alors temps de se remémorer ce que c'est que d'être débutant et d'en cultiver l'esprit.
Chaque jour sur le coussin s'y entraîner, se mettre à nu, tel que l'ose le débutant, s'assoir, ne rien attendre, être vif et alerte à l'expérience qui se présente, curieux et réjoui de cette nouveauté, c'est ce que je vous souhaite !

Merci à Shunryu Suzuki pour son précieux livre "Esprit zen, esprit neuf" dont Fabrice Midal recommande régulièrement la lecture.

Marine Manouvrier
Bruxelles

vendredi 12 février 2016

Panique à bord

Voyage en avion. Je voyage en classe économique, ce qui implique beaucoup de monde dans peu d’espace. J’ai le nez dans le dossier du siège devant moi, et quand son occupant décide de baisser le dossier pour faire un petit somme, c’est la panique. Mon peu d’espace vital se rétrécit dangereusement et une vague de claustrophobie me submerge. Je sens l’angoisse monter, puis de la colère contre celui qui me pique mon air. La pratique de la méditation m’est alors d’un grand secours  pour voir ma panique au lieu de réagir agressivement. Quand nous méditons, nous apprenons à ne pas céder au premier mouvement d’irritation et je vois dans cette situation les fruits de l’entraînement. La méditation m'a permis de prendre entièrement la responsabilité de ma panique et d’éviter que quelqu’un d’autre en fasse les frais. Ainsi, chaque fois que nous prenons la responsabilité de nos peurs, de notre agressivité, nous contribuons à rendre notre monde un peu plus doux; la méditation, bien plus qu’un moyen pour devenir plus calme, est une voie pour instaurer la paix.

Dominique Sauthier
Genève

jeudi 11 février 2016

Petite table, dresse-toi !

Enfant, une de mes histoires préférées racontait les aventures d'un cadet chassé du foyer familial et qui courrait le monde emportant avec lui une petite table magique. Lorsqu'il avait des invités, il installait la table au bord du chemin et lui disait « Petite table, dresse-toi ! ». Aussitôt le meuble se couvrait d'une vaisselle magnifique emplie de mets succulents qui se renouvelaient à mesure qu'on les mangeait.

Parfois la méditation me rappelle cette table magique – toujours disponible et d'une inépuisable générosité dans ce qu'elle offre à l'esprit affamé de vérité. Et on dirait que les invités commencent à se faire nombreux sur le chemin de la pratique ! 
Lors des stages ou des séminaires, chacun vient depuis son chemin et se retrouve attablé avec une assemblée partageant la découverte d'une assise au cœur de sa vie. Et ô surprise ! que sa vie du moment soit belle ou chaotique, on rencontre chaos et beauté sans perdre son assise. 
Et ô ô deuxième surprise – le cœur de sa vie est le lieu où se retrouvent tous les convives... 

Si vous trouvez ces propos un peu mystérieux, allez donc faire un tour en Normandie pendant les vacances de Pâques. C'est là que se tiendra le prochain stage de découverte de la méditation proposé par l'École. Vous pourriez vous asseoir ces quelques jours sur une chaise ou un coussin – entrer dans la pratique. Il serait bien étonnant que vous n'entendiez pas tôt ou tard le jeune cadet vous claironner A table et bon appétit !

Yves Dallavalle
Chapendu

mercredi 10 février 2016

Le secret du travail

Pendant de nombreuses années, j’ai considéré le travail comme un labeur dont j’étais l’obligé, je me sentais prisonnier de cette nécessité sans en comprendre le sens. 
Adolescent, je passais des heures angoissantes attablé à mon bureau : rien ne se passait.
« Travail » : ce mot me faisait froid dans le dos.

Aujourd’hui, en trouvant ma voie, ma vie est devenue un chemin où j’ai pu apprivoiser cette notion en même temps que j’ai accepté de donner plus d’ampleur à mon existence. 
Travailler ne me fait plus peur, au contraire, le travail est devenu la source centrale de mon épanouissement.
Dans cette perspective, comme le révèle le poète Rainer Maria Rilke, le travail se confond « avec ta nature au point que tu ne puisses faire autrement que t’affirmer en lui. » (Rilke, Le Testament, IN « Rainer Maria Rilke, l’amour inexaucé » – textes choisis et présentés par Fabrice Midal).

Mathieu Brégegère
Paris

mardi 9 février 2016

La découverte de l'attention

Le tendre jaune de l'aube
sur une rue de Bruxelles.
Dans la vie de tous les jours, notre champ d’attention est souvent restreint à ce qui l'attire. L’attention est captée, comme dit l'expression, par un bruit inhabituel, un geste maladroit, des coups de fil, des mails… Elle va de-ci de-là, comme le sac en plastique fait des arabesques au gré du vent qui l’emporte. Une fois que l’attention est captée, l’esprit fait le tri entre ce qu’il garde et ce qu’il rejette, le bruit du téléphone de la voisine-je jette, la sonnerie de la machine à laver qui a fini de tourner-je garde etc…
La première fois, je me suis assise sur un coussin de méditation parce que je sentais que l’expérience que je faisais de la réalité était assez pauvre et je pressentais pourtant qu'il était possible de ne plus passer, somnolente, au travers de son infinie richesse. En découvrant la pratique, j'ai commencé ce magnifique entrainement à être présente à ce qui est, à tout ce qui est, de manière alerte: à être attentive.
Lorsque, immobiles, nous posons l’attention sur ce qui se présente, là, maintenant, les phénomènes apparaissent plus clairement et précisément. Tout ce qui arrive est accueilli tel quel de manière neutre et nous pouvons prendre le temps d'en faire l'expérience, avant même que les pensées ne fassent leur travail de catégorisation (waouw/beurk, besoin/pas besoin…). Grâce à la pratique de la présence attentive, nous apprenons à faire un avec l’expérience, non pas tel un observateur du haut de son mirador qui traque tout ce qui se passe, mais bien plutôt en nous posant  au cœur même de la réalité dans tout son éclat.

Marine Manouvrier
Bruxelles

dimanche 7 février 2016

Méditer c’est ne plus refuser l’inconfort

En pratiquant la méditation, j’ai été surpris de constater à quel point mon esprit s’acharnait à rechercher le confortable : bouger la posture pour faire disparaitre un mal de dos, faire la chasse aux pensées désagréables, me rassurer en pensant à mon prochain repas… Ces zones de confort sont aussi présentes dans ma vie quotidienne. Elles enferment mon existence dans un terrier [i], l’installent dans le siège confortable du déjà connu, de ce qui est considéré comme mon territoire : prisonnier de mes évidences.

Cette recherche de confort est donc un puissant anesthésiant, il  éteint la flamme du vivant, il coupe le souffle qui nous engage à « ameuter la vie » pour reprendre l’expression d’Antonin Artaud.

Par ce dévoilement de ce qui fait confort chez nous, la pratique de la méditation peut devenir un formidable espace de transformation de soi. En nous familiarisant avec le moment présent qui est tout sauf confortable, nous cultivons un sens de courage pour se risquer à l’inconnu. « Nous ne pouvons pas apprécier chaque moment de notre vie sans affronter cet inconfort (…) Pour en faire vraiment l’épreuve, il nous faut abandonner l’incessante activité mentale qui donne le sentiment de pouvoir contrôler tout ce qui nous arrive. » C’est justement ce paradoxe, révélé par cette citation de Fabrice Midal, qui est renversant

[i] Cf. Franz Kafka, Le Terrier
Mathieu Brégegère
Paris


La cour carrée

Nous arrivions de l'est par un jour froid, la rue de Rivoli nous déposa comme par mégarde au seuil de la porte monumentale que nous franchîmes sans y penser. Aussitôt – et comme à chaque fois – nous nous trouvâmes élevés sur le champ à dignité. 
Une paix immédiate, une paix définitive nous mit joyeusement à l'abri pour partager avec les rares promeneurs une grandiose intimité. 
Alors seulement, levant les yeux, nous sûmes être dans la Cour Carrée ! Noblesse et verticalité – les proportions idéales nous posaient à la façon de la méditation, libres de discours, dans nos êtres rendus à leur simplicité. Nous touchions par la pierre ce que le coussin nous donne à vivre – au milieu de la ville elle-même entourée d'un immense charnier de bitume et bruissant de mille affairements – nous nous tenions l'esprit assis devant les falaises sculptées. Assis et vertical – c'est à dire carré.

Puis nous quittâmes victorieusement ce havre pour nous maintenir en surplomb devant le Louvre. Nos poitrines se soulevaient comme au sortir d'une montagne. Le monde s'offrait à nos regards neufs qui, par-delà le pavé, portaient à travers le défilé du Carrousel vers la vallée poudreuse des Tuileries.

Yves Dallavalle
Chapendu

vendredi 5 février 2016

Demeurer au cœur de l’abîme

Par ses mots, le peintre Kasimir Malevitch nous appelle à le suivre dans l’expérience de la modernité la plus pure : « demeurer au cœur de l’abysse, vulnérable et sans point de référence » (Fabrice Midal, Trungpa, p. 92)
Il ne s’agit plus de se lamenter de cette perte de repères qui constitue la tonalité de notre époque mais de voir comment cette réalité peut devenir un formidable espace de liberté pour se réaliser. 

Mathieu Brégegère
Paris

jeudi 4 février 2016

L'éveil de tous nos sens

"C'est d'ordinaire avec notre être réduit au minimum que nous vivons ; la plupart de nos facultés restent endormies parce qu'elles reposent sur l'habitude qui sait ce qu'il y a à faire et n'a pas besoin d'elles." Marcel Proust

Comme toujours, le prodigieux souci du détail de Marcel Proust fait que nous pouvons nous reconnaître.
Cette phrase - citée par Fabrice Midal lors d'un enseignement du mercredi 
- décrit avec une grande justesse la manière dont, souvent,  nous abordons la vie aujourd'hui : avec routine, croyant nous sécuriser par nos habitudes, un banal train train qui nous permet de tenir le coup face au flot incessant de stimulations, d'informations et d'injonctions professionnelles ou sociales.
Et pourtant, la vie est beaucoup plus grande que ce quotidien que nous rendons morne par manque d'attention.

En méditant, nous nous entraînons à ne pas "réduire notre être au minimum", nous nous exerçons à ameuter tous nos sens, nos perceptions, au cœur d'une saine immobilité qui rend plus aigu et plus vivant chaque instant.
Notre journée peut alors devenir à nouveau une aventure, semée de surprises, de découvertes, de sourires donnés et reçus, de mots tendres, de situations tranchantes ou exaltantes.

Marie-Laurence Cattoire
Paris

mardi 2 février 2016

Tu es donc je suis

J'ai découvert il y quelques jours un livre de Satish Kumar récemment re-publié chez Belfond :
 "Tu es donc je suis, une déclaration de dépendance".

La simplicité et la joliesse du style de Satish Kumar servent une pensée d'une grande clarté. Cet homme de 80 ans raconte, à travers les rencontres marquantes de sa vie, de quelle manière notre époque a perdu le sens du lien. Il prône la dépendance, le lien qui nous unit à tout, au monde, à la nature, aux autres.
D'une immense bienveillance, ces mots soufflent une brise douce et apaisante sur nos angoisses et nos peurs.
Satish Kumar nous montre aussi que la spiritualité est la portée de tous, qu'elle nous concerne tous, ici et maintenant.

A propos du Mahatma Gandhi, il écrit : "En mettant sa spiritualité en pratique dans la sphère individuelle et dans la sphère politique, il a dissipé l'apparente dualité qui sépare le monde extérieur du monde intérieur. C'est en servant les autres que l'on parviendra à la réalisation de soi… Son enseignement nous concerne tous. La spiritualité n'est pas réservée à une poignée de moines. Servir la société, prendre soin de la nature et nourrir la nature ne sont qu'une seule et même chose."

Marie-Laurence Cattoire
Paris

lundi 1 février 2016

Etre artiste de chaque moment de notre vie

Cette citation de Fabrice Midal extraite de son ouvrage Risquer la liberté, vivre dans un monde sans repères se poursuit ainsi : « la manière de mettre la table, de faire à manger, de nous habiller, de marcher, pourrait être une manière de célébrer la vie. »
Cet ouvrage est le premier que j’ai lu de Fabrice Midal ; il m’a profondément marqué, un monde s’ouvrait à moi. M’étant toujours considéré comme anti-matérialiste, bien plus intéressé par la dimension spirituelle de l’existence que par le rapport à la matière, voilà qu’il m’était proposé d’éveiller ma sensibilité au monde de la forme et à sa poétique : un retentissement  profond pour mon expérience. 
J’ai découvert, peu à peu, que donner plus d’attention aux choses ouvrait la possibilité d’être artiste à chaque moment de sa vie, chacun de nos gestes pouvant être un poème. « L’art dans la vie quotidienne, cela concerne l’organisation de la famille, les objets dans la maison, la façon de ranger vos vêtements, toutes les choses qui ordinairement sont considérés ennuyeuses et peu importantes. Nous pourrions commencer à apprécier que les choses prennent leur propre place, juste comme les 4 saisons » nous enseigne Chogyam Trungpa dans son ouvrage Dharma et créativité.   

Etre attentif est une forme d’abandon ; la magie du monde se dévoile alors à la mesure d’une mise en retrait du Moi, Moi-Même et toujours Moi. La place est alors libre pour retrouver notre propre humanité : « on se sent alors parfois comme lavé de ses soucis, de ce qui nous fait oublier l’immensité de notre cœur. » (Fabrice Midal, Risquer la liberté) 

Mathieu Brégegère
Paris